Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/133

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s’entendre avec Kant. C’est ce qu’a fait la philosophie de la nature sous la forme d’une ivresse de révélation qui divinisait la pensée absolue. Une entente froide et calme doit s’effectuer autrement. Il faut ou reconnaître la différence qui existe entre la chose en soi et le monde des phénomènes et se contenter d’améliorer la démonstration spéciale de Kant ou se jeter dans les bras de l’impératif catégorique, et tenter ainsi en quelque sorte de battre Kant avec ses propres armes.

Ici, à vrai dire, il y a encore une petite porte ouverte. Kant utilisait l’immense espace vide, placé au-delà de l’expérience humaine, pour y construire son monde intelligible. Il faisait cela en vertu de l’impératif catégorique. « Tu le peux, car tu le dois. » Il faut donc que la liberté existe. Dans le monde réel de notre entendement, il n’y en a pas. Elle doit donc résider dans le monde intelligible. Il est vrai que nous ne pouvons pas même nous figurer le libre arbitre comme possible ; mais nous pouvons bien regarder comme possible qu’il y ait dans la chose en soi des causes, qui se présentent comme liberté dans l’organe de notre conscience rationnelle, tandis que ces mêmes causes étudiées avec l’organe de l’entendement analytique n’offrent que l’image d’un enchaînement de causes et d’effets.

Mais si l’on commençait par un autre impératif catégorique ? Si l’on mettait en tête de toute la philosophie positive cette proposition : « Contente-toi du monde donné ! » La fée Morgane du monde intelligible ne serait-elle pas alors anéantie par un coup de baguette magique ?

Kant commencerait par répliquer que son impératif catégorique qui, dans notre for intérieur, commande de faire le bien, est un fait de la conscience intime, aussi nécessaire et aussi général que la loi de la nature dans la nature extérieure ; mais que cet autre impératif, que nous appellerons celui de Feuerbach, ne réside pas nécessairement dans l’homme, qu’il repose tout au contraire sur le caprice sub-