Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/166

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sur les événements matériels, tandis que l’explication des faits intellectuels lui serait impossible à l’aide de ces mouvements d’atomes, il y aurait là une nouvelle contradiction. Car pour peu qu’il puisse calculer chaque pensée comme un mouvement d’atomes et en prévoir les suites et conséquences ultérieures, il reconnaît aussi par les effets l’essence de la chose, dans la’sphère des faits intellectuels aussi bien que partout ailleurs ; car l’essence d’une chose est ce qu’elle apparaît par ses effets et non autre. »

Nous avons donc ici précisément le cas où l’adversaire admet comme reconnu et évident ce que Du Bois-Reymond révoque en doute ; le reste de la brochure est ensuite consacré à prouver ce dont le célèbre physiologiste n’a jamais douté, ce dont l’élucidation lui a valu un renom mérité.

Un lecteur impartial et compétent de la dissertation Sur les limites de la connaissance de la nature ne doutera pas un seul instant que l’auteur, par tous les atomes, entende aussi les atomes du cerveau de l’homme, et que pour lui l’homme, avec tous ses actes « volontaires », ne soit aux yeux du naturaliste qu’une portion absolument homogène aux autres parties de l’ensemble du vaste univers. Par contre, Du Bois-Reymond se garderait bien de parler de « l’influence des faits intellectuels sur les faits matériels», car si l’on y regarde de près, une pareille influence est scientifiquement incompréhensible. Si un seul atome du cerveau pouvait, par l’effet de la pensée, s’écarter seulement de l’espace d’un millionième de millimètre, de la voie qu’il doit suivre en vertu des lois de la mécanique, la « formule de l’univers » ne serait plus du tout applicable et deviendrait vide de sens. Mais les actions des hommes, même celles des soldats, destinés à planter la croix sur la mosquée de Sainte-Sophie, celles de leurs généraux, celles des diplomates prenant part à l’opération, etc., — toutes ces actions considérées au point de vue de la science de la nature, ne résultent pas de pensées, mais de mouvements