Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/224

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celui ses corps mous. Ses atomes, regardés comme absolument invariables, ne pouvaient pas être élastiques, de sorte que la vraie physique rencontrait une contradiction sur le seuil même du système. Il est vrai que cette contradiction n’était pas aussi flagrante qu’elle pourrait nous le sembler aujourd’hui ; car, encore au XVIIe siècle, des physiciens éminents faisaient sérieusement des expériences pour s’assurer si une boule élastique éprouvait, lors d’un choc, un aplatissement et, par conséquent, une compression (31).

Aujourd’hui nous savons qu’aucune élasticité n’est imaginable sans déplacement relatif des molécules du corps élastique. Or il résulte incontestablement de ce fait que tout corps non-seulement est variable, mais encore se compose de parties distinctes. On pourrait contester ce dernier point tout au plus à l’aide des arguments avec lesquels on a coutume de combattre l’atomistique en général. Les mêmes motifs qui, dans l’origine, ont conduit à résoudre les corps en atomes, doivent aussi faire que les atomes, quand ils sont élastiques, se composent à leur tour de parties distinctes ou de sous-atomes. Et ces sous-atomes ? Ou bien ils se résolvent en simples centres de force, ou bien si, chez eux, le choc élastique doit jouer un rôle quelconque, il faut qu’eux aussi se composent de sous-atomes, et nous aurons de nouveau ce processus se perdant dans une série infinie, avec laquelle l’esprit ne peut pas se tranquilliser et qu’il ne peut pas cependant éviter.

Ainsi se trouve déjà dans l’atomistique elle-même, alors qu’elle semble fonder le matérialisme, le principe qui dissout toute matière et retire même au matérialisme le fondement sur lequel il repose.

Nos matérialistes, il est vrai, ont essayé de garantir à la matière son rang et sa dignité, en s’efforçant de subordonner strictement l’idée de force à celle de matière ; mais en réfléchissants cet essai, on ne tarde pas à voir combien peu on a gagné en faveur de la substantialité absolue de la matière.