Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/228

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vrai représentant de la chose. Nous lui attribuons donc. les propriétés découvertes. Ainsi se révèle la grande vérité Point de matière sans force, point de forcé sans matière », comme une simple conséquence de la proposition : « Pas de sujet sans attribut, pas d’attribut sans sujet » ; en d’autres termes nous ne pouvons voir autrement que notre œil ne le permet ni parler autrement que la conformation de notre bouche ne nous met à même de le faire ; nous ne pouvons comprendre autrement que les idées fondamentales de notre entendement ne s’y prêtent.

Bien que, d’après ce qui précède, la véritable personnification réside dans l’idée de matière, la force est toujours personnifiée simultanément, attendu qu’on se la figure comme une émanation et pour ainsi dire comme un instrument de la matière. Assurément personne, dans une recherche de physique, ne se représente sérieusement la force comme une main planant en l’air ; on pourrait plutôt la comparer aux bras de polypes, avec lesquels une molécule de matière en enlacerait une autre. Ce qui, dans l’idée de force, est anthropomorphe, appartient, en réalité, encore à l’idée de matière, sur laquelle, comme sur chaque sujet, on reporte une portion de son moi. « L’existence des forces, dit Redtenbacher (p. 12), nous la reconnaissons par les effets qu’elles produisent et, en particulier, par le sentiment et la conscience que nous avons de nos propres forces. » Grâce à cette conscience, nous ne donnons pourtant à la connaissance simplement mathématique que la teinte du sentiment, et nous courons en même temps le dangerde faire de la force quelque chose qu’elle n’est pas. Précisément cette hypothèse de « force suprasensible », que les matérialistes veulent combattre de préférence, aboutit toujours à ce que, auprès des matières, qui agissent les unes sur les autres, l’on se figure, à la place de la force, une personne invisible, c’est-à-dire un agent imaginaire. Or ce n’est là jamais la conséquence d’une pensée trop abstraite, mais bien plutôt d’une pensée