Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en disant que toutes les propositions mathématiques reposent simplement sur l’axiome de contradiction, en d’autres termes qu’elles sont entièrement analytiques. Kant soutient, au contraire, que toutes les propositions mathématiques sont synthétiques, par conséquent aussi des propositions naturellement synthétiques a priori, les propositions mathématiques n’ayant pas besoin d’être confirmées par l’expérience.

Si l’on ne veut pas ici se tromper dès l’abord sur le compte de Kant, il faut distinguer avec soin l’intuition et l’expérience. Une intuition, par exemple celle d’une série de triangles avec un angle de plus en plus obtus au sommet et une base de plus en plus grande est assurément aussi une expérience ; mais, dans ce cas, l’expérience consiste uniquement à voir devant soi cette série déterminée de triangles. Si je déduis ensuite de l’intuition de ces triangles, avec le secours de l’imagination, qui agrandit la base à l’infini, la proposition que la somme des angles dont la constance m’était déjà démontrée auparavant — est égale à deux angles droits, cette proposition ne sera nullement un fruit de l’expérience. Mon expérience se borne à avoir vu ces triangles et à y avoir reconnu ce que je dois reconnaître comme universellement vrai. La proposition, résultant de l’expérience, peut toujours être réfutée par une expérience nouvelle. Pendant des siècles, on avait vu ou du moins on croyait que les étoiles fixes n’étaient animées d’aucun mouvement, on en avait conclu qu’elles étaient immobiles. C’était une proposition fournie par l’expérience ; elle pouvait être et elle a été rectifiée par des observations et des calculs plus exacts. L’histoire des sciences offre à chaque page des exemples semblables. C’est principalement au talent supérieur des Français en logique que nous devons l’avantage de voir aujourd’hui les sciences exactes, dans toutes les questions d’expérience, ne plus établir de vérités absolues, mais seulement des vérités relatives ; par suite, on rappelle toujours à quelles conditions une notion a été acquise, et c’est précisément sous la réserve d’une con-