Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/244

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dire que cette base n’est point fournie par l’expérience immédiate). Mais dans cette expérience immédiate de la sensation d’un : seul organe, qui sert de point de départ à Fechner, l’idée de matière, telle que l’exige la science de la nature, n’est pas encore contenue. Nous n’avons que le côté subjectif de la sensation, qui est une simple modification de notre état, et le côté objectif, que nous pouvons désigner généralement comme un rapport avec un objet. Or cet « objet » devient tout d’abord une chose dans le développement psychique naturel, et c’est seulement avec la réflexion sur les propriétés, variables en apparence, d’une seule et même chose que peut surgir l’idée d’une matière persistant dans toutes ses modifications. Mais le même processus développe aussi avec nécessité l’idée des forces de cette matière. Ainsi l’on ne peut jeter l’ancre en toute sécurité, pas même dans la genèse psychologique de l’idée de matière, sans compter que la décision de la question ne gît nullement ici, mais dans la recherche de ce qui reste encore des idées traditionnelles, quand elles sont analysées avec les moyens les plus précis de la pensée scientifique.

Mieux fondée est l’attaque dirigée par Fechner contre l’idée de force. Il démontre que la physique n’a pour objet que ce qui est visible et palpable dans l’espace et les lois de son mouvement. « La force n’est en général, dans la physique, qu’un terme auxiliaire pour l’exposé des lois de l’équilibre et du mouvement, et toute conception claire de la force physique ramène à cette définition. Nous parlons de lois de la force ; mais, si nous y regardons de plus près, ce ne sont que les lois de l’équilibre et du mouvement qui opèrent quand la matière se trouve en face de la matière. » Si à matière nous substituons ici choses, il n’y a pas d’objection sérieuse à soulever. En effet, l’idée ne nous vient aucunement de personnifier la force elle-même, au lieu de la matière, ni de hasarder la conclusion suivante : puisque tout ce que nous connaissons des choses peut s’exprimer par des