Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rait bien n’être qu’une règle de recherches et une observation empirique valable pour la majorité des cas. Elle ne se prête nullement à une généralisation par induction, attendu qu’il est impossible de se figurer une cause empêchant une seule et même espèce nouvelle de naître d’une forme souche fort répandue, et cela sur deux points différents à la fois. Pour le même motif, il ne faut pas exagérer la valeur de l’appui donné à la théorie monophylétique par l’hypothèse des centres de création. L’exactitude de cette dernière pourrait être démontrée empiriquement dans les neuf dixièmes des cas, sans que pour cela même la première naissance des organismes les plus simples dût nécessairement provenir d’un pareil centre unitaire.

La question change naturellement d’aspect quand on se borne strictement au point de vue morphologique ; car ici l’on pourrait certes imaginer des causes qui forceraient tous les organismes parcourir une certaine gradation de formes ; peu importe que leur essence interne — c’est-à-dire leur composition chimique — fût identique ou non. Toutefois la différence se trahirait alors en ce qu’une partie de ces organismes serait condamnée à rester toujours aux degrés inférieurs, tandis que les autres s’élèveraient à des formes supérieures sous l’influence de la sélection naturelle et de la loi immanente de développement.

Notre tâche ne peut être de discuter ici toutes les questions intéressantes, sous le rapport formel et matériel, soulevées par le darwinisme et par ses adversaires. Ce qui nous importe, c’est de montrer comment toutes les améliorations et restrictions que l’on a déjà apportées et que l’on peut encore apporter à la théorie de Darwin, doivent, au fond, être faites au point de vue d’une étude rationnelle de la nature, n’admettant que des causes intelligibles. L’application rigoureuse du principe de causalité, l’élimination de toute hypothèse obscure sur des forces, laquelle serait déduite de purs concepts, doit nécessairement rester notre principe dirigeant