Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/347

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ristiques des races. Par contre, l’Anthropologie des peuples à l’état de nature, ouvrage excellent sous plus d’un rapport, écrit par un homme enlevé trop tôt à la science, Waitz, est entachée à son tour en son entier d’une exagération des arguments favorables l’« unité » de l’espèce humaine. Waitz va jusqu’à s’appuyer fréquemment sur Prichard, écrivain sans autorité et sans valeur scientifique, jusqu’à considérer encore aujourd’hui Blumenbach (1795 !) comme première autorité en fait de distinction de races et d’espèces, jusqu’à honorer de l’épithète de « consciencieux » le recueil de cas d’hybridation (empruntés à Prichard) de R. Wagner, enfin jusqu’à formuler la proposition suivante « Quelle valeur peuvent encore avoir les différences spécifiques dans la nature et combien leur fixité ne paraîtrait-elle pas déraisonnable, s’il était possible de les effacer par la procréation continue d’hybrides ? » Inutile de démontrer qu’en se plaçant à ce point de vue, il n’y a aucun éclaircissement à attendre pour la question principale, lors même qu’une solution en soi serait possible. On cherche trop souvent à prouver, en suivant péniblement une voie sinueuse, l’existence de faits qu’à chaque instant l’expérience vient démentir. Contentons-nous d’en donner un seul exemple : Waitz continuait à regarder les lapins et les lièvres comme deux espèces rebelles à tout essai de croisement, alors que, depuis huit années, à Angoulême, M. Roux faisait d’excellentes affaires avec ses lièvres aux trois huitièmes, nouvelle espèce — ou, si l’on aime mieux, race — d’animaux inventée par lui (18).

L’idée de l’unité de l’espèce humaine n’a plus besoin aujourd’hui de l’appui qu’elle peut avoir trouvé jadis dans la théorie d’une descendance commune ; il est cependant permis de douter que le mythe d’Adam et d’Ève ait favorisé le croisement des Espagnols avec les Indiennes et des créoles avec leurs négresses. Les points essentiels extension aux hommes de toutes races du droit de faire partie de l’hu-