Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/348

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manité, octroi de l’égalité devant la loi dans l’ensemble des États, application des principes du droit des gens aux relations de voisin à voisin, tout cela peut s’établir et se maintenir sans admettre par-dessus le marché l’égalité absolue des aptitudes des races. Au reste, on aurait beau descendre d’une même souche primitive, on n’en posséderait pas pour cela une capacité égale ; car s’attarder, pendant des milliers d’années, dans son développement, pourrait finalement aboutir à n’importe quel degré d’infériorité. La seule conséquence que l’on puisse tirer de la communauté d’origine, c’est qu’une race attardée et même endurcie dans ses tendances inférieures, bref une race mal douée, pourrait néanmoins, par des circonstances impossibles à prévoir, parvenir à un développement supérieur. Or cette possibilité existe toujours non-seulement pour des races humaines attardées, mais encore pour des espèces animales.

La « descendance simienne », que repoussent avec le plus de fureur les individus les moins élevés par la dignité intérieure de l’esprit au-dessus du fondement matériel de notre existence, n’est pas, comme on le sait, dans le sens propre du mot, une conséquence nécessaire de la théorie de Darwin. Celui-ci fait remonter à un moment quelconque de la préhistoire de l’humanité une forme, une souche commune (19), d’où bifurquèrent d’un côté l’homme, qui tendit à s’élever, de l’autre le singe, qui persista dans ses inclinations animales. D’après cela, les ancêtres de l’homme auraient eu une conformation simienne, mais déjà aussi une disposition à parvenir à un développement supérieur, et telle paraît également avoir été à peu près l’idée de Kant. L’adoption de la théorie de la descendance polyphylétique semble plus favorable encore au préjugé de l’arbre généalogique de l’homme. Ici on peut faire remonter jusqu’aux commencements de la vie organique la supériorité de l’homme dans l’aptitude à se développer. Il est, du reste,