Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/349

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facile de comprendre que cet avantage, qui, au fond, nous permet seulement de coordonner plus aisément nos sentiments et nos pensées, ne peut jeter le moindre poids dans la balance en faveur de la théorie polyphylétique, sans quoi les arguments de la science de la nature seraient faussés par l’introduction de motifs subjectifs et moraux. D’ailleurs, après un examen approfondi, l’orgueil de l’homme ne gagne pas grand’chose à cet éloignement simplement extérieur de la descendance animale, et cet orgueil n’a pas le droit d’ailleurs de rien gagner, car il n’exprime en réalité qu’une prétention sans fondement contre la pensée de l’unité du tout et de l’uniformité du principe formateur dans le grand ensemble de la vie organique, dont nous ne constituons qu’une fraction. Éliminons cet orgueil antiphilosophique, et nous trouverons que provenir d’un corps d’animal déjà parvenu à un haut degré d’organisation et d’où jaillit la lumière d’une pensée créatrice, est plus convenable et plus agréable que sortir d’une motte de terre inorganique.

On a beau éloigner l’homme, autant que possible, du singe actuel, par des arguments puisés dans la science de la nature, on ne pourra pas empêcher d’appliquer à ses ancêtres un certain nombre des défauts qui nous répugnent le plus aujourd’hui dans le singe. Snell qui, dans son ingénieux écrit sur la création de l’homme (Iéna, 1863), a touché de bien près au but : concilier les plus rigoureuses exigences de la science avec la conservation de nos idées morales et religieuses, s’est trompé toutefois en disant que le caractère humain a du se manifester par quelque chose de saisissant et plein de pressentiment dans le regard et les gestes, même sous les formes animales antérieures d’où l’homme est sorti. Nous ne devons nullement confondre les conditions de la perfectibilité avec l’apparition précoce de ses fruits. Ce qui nous paraît maintenant noble et sublime, au plus haut degré, peut très-bien s’épanouir comme la dernière fleur d’une vie calme, sûre, riche d’impressions créatrices de toute sorte, tandis qu’il fal-