Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/43

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que des propositions, ayant une valeur apodictique, devaient aussi être déduites par voie apodictique, c’est-à-dire d’un principe existant a priori (22), comme s’il était question de démontrer ces propositions ! Kant ne se préoccupe que de les trouver et, pour cela, son fil d’Ariane est la demande : Que dois-je présupposer pour m’expliquer le fait de l’expérience ? Non-seulement le côté psychologique de la question n’est pas pour lui l’affaire principale, mais encore il cherche visiblement à l’éviter en donnant à sa demande un sens si général que la réponse peut se concilier indistinctement avec les théories psychologiques les plus diverses (23). Partir d’un principe métaphysique, comme firent, depuis Fichte, les successeurs de Kant, ne pouvait pas non plus être le but de ce dernier, parce qu’il aurait ainsi présupposé la méthode métaphysique, dont il voulait examiner les droits et les limites. Il ne lui restait donc que la voie de la réflexion ordinaire et de la méditation méthodique, il est vrai, mais prenant les faits pour point de départ. Il paraît suffisamment démontré que, si Kant entra dans cette voie, il le fit de propos délibéré ; mais il est clair aussi qu’il dut se faire illusion sur les conséquences de ce mode de procéder, sans quoi il lui eût été impossible d’affirmer si positivement la sûreté absolue de sa méthode et de repousser avec autant de dédain, qu’il en montra plusieurs fois, la simple probabilité (24). C’était un souvenir de l’école métaphysique, dont Kant avait reçu l’enseignement ; et il paraît avoir été confirmé dans son opinion par l’idée exagérée qu’il se faisait de la valeur des travaux préparatoires de la logique traditionnelle, qu’il croyait pouvoir utiliser. Il ne voyait pas que sa méthode de la découverte de l’a priori ne pouvait réellement être autre chose que la méthode d’induction.

Il peut sembler évident que les principes fondamentaux de nos connaissances a priori doivent aussi se laisser découvrir a priori, et se déduire purement d’idées nécessaires ; et cependant cette hypothèse est erronée. Il faut bien distinguer