Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/44

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entre une proposition nécessaire et la démonstration d’une proposition nécessaire. On conçoit très-aisément que les propositions ayant une valeur a priori ne se trouvent que par la seule voie de l’expérience, bien plus, que la limite est vague, au point de disparaître, entre les notions réellement nécessaires et les hypothèses dont une expérience prolongée doit forcément nous débarrasser. De même que, pour les nébuleuses du ciel étoilé, il y a très-grande probabilité que quelques-unes d’entre elles se composent réellement de masses nuageuses, tandis que le télescope les résout les unes après les autres en un groupe d’étoiles distinctes ; de même il n’y a pas d’objections faire, quand nous détruisons, dans un grand nombre des idées fondamentales et des principes suprêmes de Kant, l’apparence d’une notion a priori, et que, malgré cela, nous affirmons qu’il y a réellement des idées et des principes fondamentaux, existant dans notre esprit antérieurement à toute expérience et réglant l’expérience elle-même par une nécessité psychologique. En tout cas, Mill aura eu le mérite de prouver que l’on a tenu pour notions a priori un grand nombre de propositions, dont la fausseté a été reconnue plus tard. Ce mérite reste incontesté, bien que Mill ait commis la faute de faire dériver de l’expérience les propositions mathématiques. Il est admis que l’on peut se tromper en croyant à la généralité et à la nécessité d’une proposition ; mais il n’est pas prouvé que des propositions semblables dérivent toujours de la seule expérience. Mill lui-même parle, non dans un sens parfaitement exact, d’erreurs a priori ; et il existe effectivement beaucoup d’erreurs de ce genre. Il en est des notions a priori erronées comme des notions a priori en général. Le plus souvent, l’erreur a priori n’est pas une idée inconsciemment acquise par l’expérience, mais une idée qui nous est nécessairement imposée par l’organisation physique et psychologique de l’homme (25) avant toute expérience particulière ; une idée qui par conséquent se manifeste, lors