Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/480

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la supériorité de rang jouent, dans le besoin, le principal rôle ; il en résulte immédiatement que du moins cette espèce de besoin, le besoin de l’emporter sur les autres, est susceptible de grandir à l’infini, sans que le bien-être de l’une quelconque des personnes intéressées puisse être obtenu, sinon au préjudice d’autrui. Une autre conséquence inévitable, c’est que l’on peut se figurer un accroissement continuel de la production des biens et des moyens de les produire, sans que les jouissances d’un individu quelconque en soient notablement augmentées et sans que la masse des travailleurs avance d’un seul pas vers la pénible acquisition des ressources indispensables pour mener une existence en rapport avec la dignité humaine. Un pareil accroissement des besoins de tous ceux qui peuvent les satisfaire, par suite du manque de philanthropie et d’une cupidité exorbitante, est en réalité un des traits caractéristiques de notre époque. La statistique du commerce et de l’industrie de la plupart des pays démontre irrécusablement qu’il se produit un développement gigantesque de puissance et de richesse, tandis que la situation de la classe ouvrière ne décèle aucun progrès décisif et que la fureur de s’enrichir ne diminue aucunement dans les classes possédantes. En réalité, on ne vit pas pour la jouissance, mais pour le travail et pour les besoins il est vrai que, parmi ces besoins, celui de la cupidite est tellement prédominant que tous les progrès vrais et durables, tournant au profit de la masse du peuple, sont négligés ou du moins obtenus en passant.

On peut maintenant considérer sous le point de vue de la conciliation ce fait en soi très-fâcheux, si l’on pense que tôt ou tard sur cette voie ou sur une autre se manifestera un mouvement des esprits d’une tendance toute différente, sans que les forces productrices éprouvent une diminution sensibte. De nouveau pourrait prévaloir l’idée fondamentale de la culture classique, qu’il existe en toutes choses une certaine mesure des plus salutaires et que la jouissance ne dépend