Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/505

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cacité de leur intelligence ni par leur générosité — sans être au reste déjà des dogmatiseurs de l’égoïsme, — ne voient tout d’abord dans les tentatives faites pour limiter l’accroissement de leur fortune qu’une attaque contre la propriété ; l’ébranlement des bases de la société leur apparaît sous des couleurs exagérées, parce que leur intérêt est trop étroitement uni à ce qui existe. Si l’on avait pu montrer dans un miroir aux grands de Rome, vers l’époque des luttes agraires, l’histoire des siècles qui allaient suivre et la corrélation causale entre ladécadenceetl’accumulation des richesses, peut-être que Tiberius et Caïus Gracchus n’auraient pas expié leur prévision supérieure par la perte de leur vie et de leur renommée.

Il n’est pas complètement inutile de faire remarquer que ce serait commettre une véritable pétition de principe de déclarer illégales les limites posées à l’enrichissement. Il s’agit précisément de savoir ce que doit être le droit. Le premier droit celui que toute la nature reconnaît — est le droit du plus fort, le droit du poing (das Faustrecht). C’est seulement après qu’un droit supérieur a été reconnu que le premier devient une injustice ; encore ne reste-t-il injustice qu’aussi longtemps que le nouveau droit, rend effectivement de meilleurs services la société. SI le principe constitutif du droit se perd, le droit du plus fort revient toujours s’imposer mais, en pure morale, sa nouvelle forme n’est pas meilleure que la première. Que je torde le cou à mon semblable parce que je suis le plus fort, ou que, par une connaissance supérieure des affaires et des lois, je lui tende un piège où il tombera et où il croupira dans la misère, tandis que le profit de son travail me reviendra « légalement », ce sont là deux actes à peu près équivalents. Même l’abus de la simple puissance du capital en face de la faim constitue un nouveau droit de la force, dût-il n’en résulter que la dépendance plus grande de celui qui ne possède rien. Ce qui primitivement n’a pas été prévu par la législation, c’est préci-