Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/560

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tout à fait différent, approuvait maintes de mes idées, surtout dans les discussions purement théoriques, mais revenait, pour toutes les conséquences pratiques, autant que possible à la défense du statu quo (30).

Ueberweg n’en était que d’autant plus radical à l’égard de la tradition religieuse. Dès le commencement de la deuxième période du développement de ses idées philosophiques, il se demanda si son devoir ne lui ordonnait pas d’entrer dans les rangs des communautés libres ; il ne fut empêché de donner suite à cette idée que par la conviction qu’il était né pour le professorat et que, étant donnée cette aptitude exclusive de son esprit, il avait un certain droit de se maintenir dans sa position, en tant qu’il pourrait le faire sans déloyauté flagrante (31). Il s’exprimait, dans ses lettres, contre le christianisme positif, d’une façon d’autant plus acerbe qu’il se sentait plus tourmenté par la pensée que, dans ses cours et dans ses livres, sans doute il ne disait rien de contraire à la vérité, mais qu’il ne pouvait non plus dire la vérité tout entière. Dans une lettre, fort émue, qu’il m’écrivit, le 29 décembre 1862, il disait, entre autres choses, que, pour faire reconnaître la Réforme, il avait fallu livrer des combats sanglants pendant trente ans et plus il ne croyait pas que des communautés, qui admettaient le matérialisme en théorie, pussent être reconnues et acquérir la sécurité, tant qu’il n’aurait point paru de matérialistes fanatiques, qui, à l’instar des puritains d’autrefois, feraient le sacrifice de leur vie et mitrailleraient avec volupté les chrétiens catholiques et protestants ainsi que les vieux rationalistes, l’espace de trente ans, s’il le fallait. Seulement après la victoire, une victoire chèrement achetée, alors seulement ce sera une tâche belle et attrayante de faire revivre les principes de la douceur et de l’humanité. Il n’y aura pas de guerre exclusivement religieuse ; les guerres de Constantin et la guerre de Trente ans elles-mêmes ne l’étaient pas ; mais je suis convaincu que, dans un avenir peu éloigné, l’élément