Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/572

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qu’il prononce contre la tendance misoponique du christianisme. Strauss aussi mentionne avec un vif blâme les peines de l’enfer encourues par le riche et l’ordre donné au jeune opulent de vendre ses biens et d’en distribuer le montant aux pauvres. « Un véritable culte de la pauvreté et de la mendicité est commun au christianisme et au bouddhisme. La mendicité des moines du moyen âge comme encore aujourd’hui la mendicité à Rome sont des institutions éminemment chrétiennes qui ne sont restreintes dans les pays protestants que par une éducation ayant une origine toute différente. » Strauss adopte le panégyrique de Buckle en l’honneur de la richesse, de l’activité industrielle et de l’amour de l’argent, et il y joint la réflexion suivante : « Que l’amour du gain comme toute autre passion exige de sages restrictions, cela n’est pas exclu par l’éloge que Buckle fait de l’industrialisme mais, dans la doctrine de Jésus, l’amour du gain est désavoué en principe ; son action sur les progrès de l’instruction et de l’humanité n’est pas comprise ; sous ce rapport, le christianisme apparaît nettement comme un principe hostile à la culture. S’il continue à végéter chez les peuples cultivés et industriels de notre époque, il ne le doit qu’aux améliorations qu’un rationalisme laïque lui apporte et ce rationalisme est assez généreux ou assez faible et hypocrite pour attribuer ces améliorations non à lui-même, mais au christianisme auquel elles sont antipathiques (37). »

On comprend sans peine que Strauss repousse aussi le principe des macérations, l’ascétisme fanatique, le mépris du monde et autres traits caractéristiques du christianisme. Son éthique, autant que nous pouvons la juger d’après son infatigable polémique contre tout ce qui sent le christianisme, repose absolument sur l’idée que la destination de l’homme consiste à s’établir convenablement dans ce monde, par le travail et l’ordre social, et à tendre, par l’art et la science, à ennoblir son être et à se procurer des jouissances intellectuelles plus délicates. À la question : sommes-nous encore