Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/573

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chrétiens ? il répond par un non catégorique. Quant à la question avons-nous encore de la religion, il y répond par un oui conditionnel. Il s’agit, en effet, de savoir si l’on veut encore, oui ou non, appeler religion le sentiment de dépendance que nous éprouvons à l’égard de l’univers et de ses lois. Nous ne construirons plus de culte sur ce sentiment, mais il exerce encore une action morale et il se joint à une certaine piété ; nous nous sentons blessés lorsque cette piété est mal appréciée, comme il arrive, par exemple, dans le pessimisme de Schopenhauer. L’individu ne peut pas s’élever au-dessus de l’ensemble ; l’ensemble réglé par des lois, plein de vie et de raison, est notre idée suprême ; aussi, toute philosophie digne de ce nom est-elle nécessairement optimiste (38).

Strauss juge défavorablement le culte des communautés libres. Elles procèdent logiquement en rejetant toute tradition dogmatique et en se plaçant sur le terrain de l’histoire et de la science de la nature mais ce ne peut être là le fondement d’une association religieuse. « J’ai assisté a plusieurs offices des communautés libres, et je les ai trouvés effroyablement secs et insipides. Je soupirais vivement après une allusion quelconque à la légende biblique ou au calendrier des fêtes chrétiennes, pour procurer quelque satisfaction à mon imagination et à mon cœur ; mais, ce soulagement ne me fut point accordé. Non, ce n’est pas encore là le vrai chemin. Avoir démoli l’église pour passer une heure d’édification sur ce sol nu et plat, tant bien que mal, c’est triste à en éprouver des frissons. » Strauss n’entrerait pas dans une « église de la raison » lors même que l’État voudrait libéralement accorder à la nouvelle église tous les privilèges de l’ancienne. Lui et ceux qui pensent comme lui peuvent se passer de toute église. Ils l’édifient en tenant leur cœur accessible à tous les intérêts supérieurs de l’humanité, et avant tout à la vie nationale. Ils cherchent à soutenir leur patriotisme par des études historiques, en même temps qu’ils agrandissent