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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/588

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vu que le simple rationalisme se perd dans le sable de la platitude, sans jamais pouvoir être débarrassé de dogmes insoutenables. L’une de ces voies consiste à supprimer et à abolir entièrement toute religion et à transférer sa tâche à l’État, à la science et à l’art l’autre voie consiste à pénétrer dans l’essence de la religion, à vaincre tout fanatisme et toute superstition par un essor conscient au-dessus de la réalité et par le renoncement définitif à la falsification du réel au moyen du mythe qui certes ne peut conduire au but de la connaissance.

La première de ces voies apporte avec elle le danger d’un appauvrissement intellectuel devant la seconde surgit la grande question de savoir si, dans ce moment même, l’essence de la religion ne subit pas une transformation qui permettra difficilement de la saisir avec précision. Mais le deuxième danger est le moindre, parce que précisément le principe de la spiritualisation de la religion doit faciliter et adoucir toute transition exigée par les besoins progressifs de la culture moderne.

On peut se demander d’ailleurs si la suppression de toute religion, quelque désirable qu’elle puisse paraître aux yeux de maint penseur bienveillant, serait même possible. Aucun homme sensé ne voudra procéder en cela avec soudaineté et moins encore avec violence. On verra plutôt dans ce principe une règle de conduite pour la classe la plus instruite, à peu près dans le sens de Strauss, dont le reste de religion n’a, pas grand-chose à faire ici. Ensuite on cherchera à utiliser l’État et l’école, pour supplanter peu à peu la religion dans la vie du peuple et en préparer systématiquement la disparition. En supposant l’emploi de pareils procédés il serait permis de se demander si, malgré les lumières répandues par l’école, il ne se manifesterait point par là même dans le peuple une réaction en faveur d’une conception fanatique et étroite de la religion, ou si la seule racine, qui n’aurait pas été coupée, ne produirait pas sans cesse de nouveaux reje-