Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/587

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cette liberté de l’esprit reprenne sans cesse la forme trompeuse d’une science démonstrative ? S’il en est ainsi, le matérialisme reparaîtra toujours pour détruire les spéculations plus hardies, en cherchant à satisfaire le penchant qui porte la raison vers l’unité, par un minimum d’élévation au-dessus de ce qui est réel et démontrable.

Nous ne devons pas, surtout en Allemagne, désespérer de trouver une autre solution du problème, depuis que, dans les poésies philosophiques de Schiller, nous avons devant nous un exposé qui joint à la plus noble rigueur de la pensée la plus haute élévation au-dessus de la réalité, et qui donne à l’idéal une force irrésistible, en le reléguant franchement et nettement dans le domaine de l’imagination. Nous n’entendons pas dire par là que toute spéculation doive aussi revêtir la forme de la poésie. Les poésies philosophiques de Schiller sont pourtant plus que de simples produits du penchant naturel vers la spéculation ! Ce sont des élans religieux du cœur vers les sources pures et limpides de tout ce que l’homme a jusqu’ici vénéré comme divin et supraterrestre. Laissons la métaphysique continuer de tenter de résoudre ses insolubles problèmes. Plus elle restera théorique et voudra rivaliser, en certitude, avec les sciences de la réalité, moins elle acquerra d’importance générale. Mais plus elle mettra le monde de ce qui est en rapport avec le monde des valeurs, et s’élèvera par sa conception des phénomènes eux-mêmes, à une action morale, plus elle fera dominer la forme sur la matière, sans violenter les faits, et érigera, dans l’architecture de ses idées un temple pour adorer l’éternel et le divin. Quant à la libre poésie, elle pourra quitter entièrement le terrain du réel et se porter vers le mythe, pour prêter la parole à l’inexprimable.

Nous nous trouvons donc ici devant une solution entièrement satisfaisante de la question de l’avenir, plus ou moins prochain, de la religion. Il n’y a que deux voies entre lesquelles il faut choisir, après mûre réflexion, lorsque l’on a