Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/602

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culture scientifique, cela va de soi, et l’on devra bien se garder, en sortant des conditions actuelles, de négliger ce devoir et de se perdre dans le labyrinthe d’une prétendue séparation de l’Église et de l’État. Cette séparation, sincèrement effectuée, est la seule solution logique. Toute organisation ecclésiastique de société de croyants forme un État dans l’État, et peut, à chaque instant avec facilité, empiéter sur le domaine civil. Il y a des circonstances où elle peut, dans l’intérêt de la civilisation, avoir le droit et le devoir de faire sauter un gouvernement délabré et décrépit ; mais en général et surtout aujourd’hui que l’on assigne de plus en plus à l’État la tâche de civiliser, abandonnée jadis à l’Église, l’organisation politique de cette dernière devient pour l’État un motif de défiance et de très-sérieuses inquiétudes. La suppression de l’organisation politique de l’Église rend seule possible la liberté religieuse illimitée. Toutefois l’État ne peut travailler à la destruction de la dogmatique religieuse, tant que l’Église, en dépit de ses vues ambitieuses, représente encore parmi le peuple l’idéalisme éthique. Fichte voulait, il est vrai, que l’instructeur ecclésiastique du peuple, destiné à servir d’intermédiaire entre la masse et les gens instruits, puisât son système religieux à l’école du philosophe. Il voulait que la théologie, si elle ne renonçait pas solennellement à ses « prétentions aux mystères », fut entièrement bannie des universités, et que, si elle y renonçait, sa partie pratique fût séparée de sa partie scientifique, laquelle devait se fondre dans l’ensemble de l’enseignement scientifique (42). Cette exigence, en soi si légitime, est encore moins réalisable aujourd’hui qu’à l’époque où Fichte la formula. Le rôle de médiateur entre le peuple et la classe éclairée ne peut être rempli, lors même qu’on le tenterait sérieusement, qu’en tenant compte des conditions psychologiques, c’est-à-dire que ce rôle réclame beaucoup de temps et une marche graduelle. D’un autre côté, on ne peut donner au clergé une instruction philosophique suffisamment profonde par une