Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/631

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progrès est dû en grande partie à l’influence de la philosophie de l’histoire de Hegel même sur ceux qui n’ont jamais appartenu à l’école de ce philosophe. » — C’est déplacer un peu le véritable point de vue que d’opposer à la conception idéaliste de la manière d’écrire l’histoire, conception commençant à Kant et à Schiller, celle d’aujourd’hui comme étant absolument réaliste. Quand Alexandre de Humboldt[1] compare la tendance idéaliste à l’hypothèse des « forces vitales » dans la physiologie, on pourrait peut-être avec plus de justesse caractériser le rapport de l’idée avec le fait par l’influence de la théorie de Darwin sur les recherches de la science de la nature. Ici encore le penchant pour la construction peut être remplacé par une tendance partant rigoureusement des faits sans que l’on méconnaisse l’importance d’un point de vue aussi large pour la conception et l’appréciation d’un fait distinct.

44 [page 84]. Voir Cabanis, Rapport du physique et du moral de l’homme et Lettre sur les causes premiers, 8e éd. augmentée de notes, etc., par M. L. Peisse, Paris 1844. La première moitié de l’ouvrage fut lue à l’Académie, vers la fin de l’année 1795 et parut 1798-1799 dans les mémoires de l’Académie ; la deuxième moitié fut publiée avec la première édition de l’ouvrage complet en 1802. La Lettre sur les causes premières, un de ses derniers travaux, ne parut que longtemps après la mort de l’auteur, dans l’année 1824. On a beaucoup discuté pour savoir si la philosophie panthéiste de la Lettre et particulièrement le vitalisme, qui s’y trouve formellement exprimé (c’est-à-dire l’hypothèse d’une force vitale substantielle, à côté et au-dessus des forces organiques de la nature) concordent ou non avec la tendance matérialiste de l’ouvrage principal. L’éditeur Peisse a démontré, dans son avant-propos sur la vie et les doctrines de Cabanis, ainsi que dans plusieurs notes, qu’il ne faut sans doute pas chercher dans les œuvres de Cabanis une déduction philosophique tout à fait rigoureuse, que ces écrits peuvent contenir mainte hésitation et même des contradictions, mais qu’il n’y a pas lieu d’admettre un changement d’opinion ni une rétractation consciente entre l’ouvrage principal et la lettre métaphysique. Ainsi par exemple un passage d’un ouvrage antérieur prouve que, même avant la rédaction des Rapports, Cabanis était déjà un partisan déclaré du vitalisme de Stahl. On peut aisément déduire son penchant vers le panthéisme du chapitre historique des Rapports, notamment de ses affirmations sur la philosophie de la nature des stoïciens. Cela n’est pas inconciliable avec presque tous les aphorismes de nos matérialistes actuels que nous trou-

  1. Voir Tomaschek. Schiller in seinem Verhalten zur Wissenschaft, p. 130.