Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/639

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du temps encore avant que, sous ce point de vue, nous ayons atteint au niveau de l’Angleterre et de la France. » (Ceci n’est plus exact en ce qui concerne la France), « M. R. von Mohl a vu, dans le cabinet de physique d’une université d’Allemagne, une machine effrayante, qui devait représenter une machine pneumatique. La commission académique, chargée d’accorder et de régulariser les demandes du professeur de physique, avait, pour empêcher de confier le travail à un mécanicien étranger, fait confectionner la machine pneumatique par un fabricant de pompes à feu. Il y a là de quoi gémir sur la tutelle exercée envers le professeur de physique par ses collègues de la Faculté. Mais ne pourrait-on pas imaginer l’allocation des fonds nécessaires, faite au professeur de physique, qui en disposerait librement, sans pour cela séparer les Facultés ? Et, dans l’état actuel des choses, le philosophe qui doit connaître les méthodes scientifiques et les conditions de leur application, n’est-il pas i’allié naturel du professeur de physique ?

» Cependant non ! Voilà où gît la difficulté. Descartes, Spinoza, Leibnitz, Kant joueraient ce rôle ; mais la majorité de nos professeurs actuels de philosophie !… Ah ! oui, M. de Mohl a raison ; seulement il ne devrait pas faire retomber sur la philosophie elle-même, et précisément sur l’essence de la pensée philosophique, les difficultés qui s’opposent aujourd’hui à une semblable coopération. »

2 [page 149]. Büchner, à propos de la douzième édition de Force et Matière, a rédigé une « critique de lui-même[1], dans laquelle il se félicite d’avoir aidé la philosophie à recouvrer ses droits sur le terrain des sciences de la nature. Il avoue que d’autres circonstances encore y ont contribué, mais « Force et Matière commença par aplanir la voie et inaugura la lutte de manière à obtenir les sympathies générales aussi bien dans le monde savant que dans le monde non-savant, et l’auteur ne put dès lors plus se rendormir sans avoir obtenu un résultat déterminé. Dans ce sens, on peut et on doit dire que Force et Matière « fait réellement époque ». Ce livre devra être mentionné et discuté comme tel, et le sera, dans l’histoire des sciences, tant qu’une pareille histoire existera. » Büchner pourrait bien plutôt prétendre que son nom sera cité d’une manière durable dans l’histoire générale de la culture ; car, au moment opportun, il a suspendu avec un grand succès à la grosse cloche ce que beaucoup pensaient et ce que certainement plus d’un aurait pu élucider mieux que lui, tant au point de vue des sciences naturelles qu’à celui de la philosophie. Aurait-il eu autant de

  1. Dans la 3e édition de Natur und Wissenschaft, Leipzig, 1874.