Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/83

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Nous retrouverons ces pensées plus tard. Contentons-nous de remarquer ici que l’importance historique, obtenue par la morale de Kant, doit nous paraître non-seulement compréhensible, mais encore justifiée, pour peu que nous la considérions sous son véritable point de vue. Les résultats durables de la philosophie de Kant se trouvent dans la Critique de la raison pure ; encore n’est-ce que dans un petit nombre de propositions fondamentales. Mais une philosophie n’a pas d’importance seulement par les éléments qui résistent avec succès à l’examen de l’intellect et sont comptés parmi les trésors durables de la connaissance humaine. Les créations d’une combinaison poétique audacieuse et, pour ainsi dire, inconsciente, qu’une critique sévère doit ensuite détruire, peuvent exercer par leur élan et leur contenu un effet plus profond et plus grandiose que les axiomes les plus lumineux, et la flamme éblouissante de ces révélations entraînantes et éphémères dans leur forme n’est pas moins nécessaire à la culture humaine que la claire lumière de la critique. Aucune pensée n’est plus propre à réconcilier la poésie et la science que celle-ci : toute notre « réaiité malgré son enchaînement sévère et résistant à tout caprice, n’est qu’un phénomène ; mais un fait reste acquis à la science, c’est que la « chose en soi » n’est qu’un concept de limite. Toute tentative de convertir sa valeur négative en une valeur positive conduit irrésistiblement dans le domaine de la poésie, et ce qui brille, dans une mesure appréciable, de la pureté et de la grandeur poétiques peut seul prétendre à servir d’enseignement et d’idéal à toute une génération.