Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

matériaux aux « charretiers » de l’interprétation, mais encore engendra une dynastie intellectuelle d’ambitieux imitateurs qui, semblables aux Pharaons, dressèrent dans les airs pyramide sur pyramide, n’oubliant que de leur donner le sol pour base.

Ce n’est pas ici notre tâche d’expliquer comment Fichte en vint à choisir, dans la philosophie de Kant, précisément une des questions les plus obscures, — la théorie de l’unité synthétique primitive de l’aperception, pour en déduire son moi créateur ; comment Schelling fit, pour ainsi dire, par enchantement, sortir l’univers de A = A, comme d’une noix creuse ; comment Hegel put déclarer identiques l’être et le non-être aux applaudissements enthousiastes de la jeunesse studieuse de nos universités. Le temps, où dans les diverses résidences des Muses, on entendait à tous les coins de rue parler du moi et du non-moi, de l’absolu et de l’idée, est passé ; et le matérialisme ne peut pas nous déterminer à le faire revenir pour nos lecteurs. Toute cette période du romantisme des idées n’a pas mis au jour un seul écrit d’une valeur durable pour l’appréciation exacte de la question matérialiste. Un jugement quelconque sur le matérialisme, prononcé au point de vue de la métaphysique poétique, ne peut avoir d’autre but que d’établir une distinction entre deux points de vue coordonnés. Lorsque nous ne pouvons pas, comme chez Kant, obtenir pour la pensée un point de vue plus élevé, nous devons nous dispenser de faire des digressions semblables.

Malgrétout, nous ne pouvons jeter sur les services rendus par un Schelling et particulièrement un Hegel, ce regard de dédain presque à la mode aujourd’hui ; mais ici nous entrerions sur un autre terrain. Un homme qui donne aux penchants enthousiastes, pendant des décennies, une expression souveraine et irrésistible, ne peut jamais être d’une insignifiance absolue. Mais si l’on se borne à étudier l’influence de Hegel sur la manière d’écrire l’histoire et par-