Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

barrière momentanée purent, suivant une loi naturelle, être refoulés à leur tour par une nouvelle évolution de l’esprit du temps.

La plupart de nos matérialistes seront sans doute tentés de nier a priori et catégoriquement, avant tout examen, la connexion de leurs idées avec celles de De la Mettrie ou même du vieux Démocrite. D’après leur opinion favorite, le matérialisme actuel n’est qu’un simple résultat des sciences physiques et naturelles de notre époque, résultat que, pour cette raison même, on ne peut plus comparer aux idées analogues des temps passés, parce que jadis nos sciences n’existaient pas. Dans ce cas, nous aurions pu nous dispenser complètement d’écrire notre ouvrage. Mais si l’on eût voulu nous permettre de développer successivement les principes décisifs à propos des conceptions plus simples des temps antérieurs, nous aurions dû pour le moins placer le chapitre qui suit avant celui-ci.

Gardons-nous toutefois d’un malentendu qui pourrait aisément se produire. Quand nous parlons d’enchaînement, nous ne nous avisons naturellement pas de ne voir par exemple dans Force et matière de Büchner qu’une habile transformation de L’Homme-machine. Il n’est nécessaire d’admettre ni une excitation par la lecture d’écrits semblables, ni même une connaissance superficielle de ces ouvrages pour croire à une connexion historique. De même que les rayons de chaleur d’un charbon en ignition se répandent du foyer dans toutes les directions, sont reflétés par le miroir elliptique et allument l’amadou placé a l’autre foyer, de même l’influence d’un écrivain — et particulièrement d’un philosophe — se perd dans la conscience de la foule, et de la conscience populaire les fragments de propositions et de théories réagissent sur les individus qui entrent plus tard dans l’âge mûr, chez ceux du moins en qui la capacité réceptive et la condition sociale favorisent la concentration de ces rayons. On comprendra facilement que