Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/91

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notre comparaison est boiteuse ; toutefois elle éclaire une des faces de la vérité. Passons à l’autre.

Si Moleschott a pu dire que l’homme est un total de parents, nourrice, lieu, date, air, température, son, lumière nourriture et vêtements, on peut affirmer la même chose en ce qui concerne les influences intellectuelles. « Le philosophe est le total de la tradition, de l’expérience, de la structure du cerveau et du milieu, de l’occasion, de l’étude, de la santé et de la société. » Tel serait à peu près le texte d’une phrase qui en tout cas prouverait assez palpablement que même le philosophe matérialiste ne peut être redevable de son système à ses seules études. Dans l’enchaînement historique des choses, le pied heurte à un millier de fils et nous n’en pouvons suivre qu’un seul à la fois. Nous ne le pouvons même pas toujours parce qu’un fil gros et visible se partage en d’innombrables filaments qui par intervalles se dérobent à nos regards. On comprend aisément l’influence considérable exercée aujourd’hui par les sciences physiques et naturelles sur le développement particulier et notamment sur la propagation du matérialisme au sein de la société. Mais notre exposé prouvera suffisamment que la plupart des questions, dont il s’agit ici, sont absolument anciennes et qu’il n’y a de changé que la matière, mais non le but ni le mode de la démonstration.

On doit convenir au reste que l’influence des sciences physiques et naturelles, même durant notre période idéaliste, fut toujours favorable à la conservation et à la propagation des théories matérialistes. Le réveil d’une ardeur plus générale et plus active pour les sciences physiques et naturelles raviva spontanément ces théories, sans toutefois leur permettre de se manifester immédiatement sous une forme dogmatique. Ici l’on ne doit pas oublier que l’étude des sciences positives restait cosmopolite, alors que la philosophie en Allemagne entrait dans une voie isolée, mais répondant aux dispositions générales de la nation.