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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/94

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lisme se lança presque sans rencontrer d’obstacles, et si cet état de choses a été souvent méconnu ou même complètement travesti par les matérialistes, ce n’est là qu’une preuve de plus de l’esprit anti-historique dont leur doctrine n’a été que trop souvent imbue.

N’oublions pas toutefois que jamais le goût des recherches physiques et naturelles n’a fait défaut à l’Allemagne, encore que cette tendance ait été éclipsée, à l’époque la plus brillante de notre littérature nationale, par l’élan de la philosophie morale et l’enthousiasme spéculatif. Kant lui-même était un homme capable de concilier les deux tendances dans son système et, notamment dans sa période anté-critique, il se rapproche souvent du matérialisme. Son élève et antagoniste Herder (46) était entièrement pénétré de l’esprit scientifique ; et peut-être aurait-il rendu de bien plus grands services au développement de l’esprit scientifique en Allemagne, s’il se fût contenté d’agir d’une manière positive en faveur de ses doctrines au lieu de se lancer dans une lutte acharnée et féconde en malentendus avec Kant au sujet des principes. On reconnaît aujourd’hui de plus en plus combien Gœthe possédait le sens de la véritable science de la nature. Dans un grand nombre de ses maximes, nous trouvons une tolérance calme et douce pour l’exclusivisme de la tendance idéaliste, dont il savait apprécier le fond légitime, encore que son goût l’entraînât toujours plus irrésistiblement vers l’étude objective de la nature. On ne doit donc pas se méprendre sur ses relations avec l’école des philosophes de la nature. Lui, le poëte, était certainement plus affranchi de tous les excès de l’imagination que maint naturaliste, physicien ou chimiste de profession. Mais les philosophes de la nature eux-mêmes nous montrent en réalité, bien qu’ils la fondent étrangement avec le romantisme prédominant partout, une véritable aptitude pour l’observation des phénomènes et l’étude de leurs connexions. Avec de pareilles prédispo-