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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/99

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L’être sensible est seul vrai, seul réel, le monde des sens est seul vérité et réalité. » « C’est seulement à l’aide des sens qu’un objet au sens véritable est donné — non par la pensée pour soi-même. » « Là où il n’y a pas de sens, il n’y a pas d’être, pas d’objet réel. » — « Si la philosophie ancienne avait pour point de départ la thèse : Je suis un être abstrait, un être uniquement pensant ; le corps ne fait point partie de mon être ; par contre, la philosophie moderne débute par la thèse Je suis un être réel, sensible, le corps fait partie de mon être ; bien plus, le corps dans son ensemble est mon moi, mon être lui-même. » — « Vrai et divin est seulement ce qui n’a besoin d’aucune démonstration, ce qui est immédiatement certain par soi-même, ce qui parle et captive immédiatement par soi, ce qui entraîne immédiatement après soi l’affirmation de sa propre existence, — ce qui est absolument net, absolument indubitable, ce qui est clair comme le soleil. Mais seul le monde des sens est clair comme le soleil ; c’est seulement là où il commence que cesse tout doute, toute discussion. Le secret du savoir immédiat est le sensible » (51).

Ces propositions qui, dans les Principes de la philosophie de l’avenir (1819), de Feuerbach, semblent presque aussi aphoristiques que nous les citons ici, ont une teinte passablement matérialiste. Il faut pourtant remarquer que monde des sens et matérialité ne sont pas des idées identiques. La forme n’est pas moins l’objet des sens que la matière ; bien plus, le véritable sensible nous donne toujours l’unité de la forme et de la matière. Nous n’acquérons ces idées que par l’abstraction, par la pensée. En continuant à penser, nous parvenons à concevoir leur corrélation d’une manière déterminée quelconque. Si Aristote accorde partout la prééminence à la forme, tous les matérialistes, de leur côté, l’accordent à la matière. Un des critériums indispensables du matérialisme est que non-seulement il regarde la force et la matière comme inséparables, mais encore qu’il consi-