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années. Pendant longtemps nos dépenses ont été modiques, et la propriété avait un prix élevé. Des taxes légères suffisaient alors pour couvrir toutes nos dépenses. En même temps nous avions de l’argent pour les payer. L’industrie vitale de Québec, la construction des navires, était dans un état florissant, et la Corporation faisait faire les grands travaux de l’aqueduc. Nos ouvriers trouvaient donc un emploi constant et un salaire élevé. Le commerce se ressentait naturellement de cet état de choses, et il arriva à un haut degré de prospérité. On vit certaines rues, à St. Roch surtout, se garnir de magasins nouveaux. On se plaint rarement des taxes, lorsqu’on a de l’argent pour les payer. Comme tout, le monde alors en avait, on n’entendait aucune plainte contre notre administration municipale.

Mais notre prospérité avait un fondement peu solide. Lorsqu’une ville a un grand nombre d’industries, à moins d’une crise financière comme celle de 1857, une de ces industries peut être paralysée, mais il en reste assez d’autres pour fournir du travail à la population ouvrière. Telle est aujourd’hui la position de Montréal ; qu’une des nombreuses industries qui y sont exploitées soit arrêtée pendant un certain temps, le mouvement général des affaires à peine en sera ralenti. Mais bien différente était notre position. Nous n’avions, à proprement parler, et je puis dire nous n’avons encore, qu’une grande industrie capable de donner du travail à notre population ouvrière. Bien que cette industrie eût ressenti le contrecoup de la crise de 1857, nous avions pu, grâce aux épargnes faites auparavant, grâce aussi en partie aux travaux exécutés par la Corporation, attendre la reprise des affaires. Mais, que cette industrie tombât ou même fût suspendue pendant longtemps, et nous étions perdus.

C’est ce qui arriva. La construction des navires, après avoir pris, en 1862 et 1863, un développement qu’elle n’avait pas atteint depuis longtemps, commença bientôt à décliner. La guerre civile des États-Unis était arrivée à son plus haut degré d’acharnement. Les États Confédérés avaient