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BULLETIN SCIENTIFIQUE DES ÉTUDIANTS DE PARIS

géométriques de l’Univers sont déterminées par la matière ou par l’Énergie présente, sont relatives à ce qui s’y trouve ou à ce qui s’y passe.

Des lois aussi fondamentales que celles de la Géométrie ne sont pas données a priori par un décret de la Nature antérieur à l’existence de toute matière et de tout phénomène, mais sont au contraire, comme il semble plus naturel, déterminées en tout lieu et à tout instant, par toute la réalité présente.

Cette conception n’aurait évidemment aucun sens s’il était exact, comme on l’a cru pendant longtemps que la Géométrie Euclidienne soit la seule possible. C’est le mérite des précurseurs comme Lobatchewsky, Bolyai, Gauss, Riemann, d’avoir montré qu’on pouvait très bien, sans aucune contradiction logique, imaginer d’autres Géométries que celle d’Euclide. Henri Poincaré a complété leur œuvre en y introduisant une extraordinaire clarté.

Il suffit en effet, d’abandonner le postulatum d’Euclide et de le remplacer par un autre pour obtenir une Géométrie non Euclidienne aussi légitime, a priori, que l’ancienne. C’est à l’expérience de montrer laquelle des Géométries ainsi constituées s’adapte le mieux à la représentation des réalités physiques.

En admettant, par exemple, que par un point on ne peut pas mener de parallèle à une droite on obtient la Géométrie de Riemann, et si l’on admet au contraire qu’on en peut mener une infinité, on obtient la Géométrie de Lobatchewsky. On obtient des géométries plus générales encore en abandonnant d’autres postulats, par exemple celui de l’homogénéité de l’espace. Ces constructions sont restées très abstraites jusqu’à ce qu’on se soit aperçu avec Henri Poincaré que les Géométries non Euclidiennes sont précisément, dans le cas de deux dimensions, celles qui régissent les propriétés des lignes tracées sur les surfaces lorsqu’il s’agit de surfaces non développables, c’est-à-dire non applicables sur un plan par déroulement. La Géométrie de Riemann est celle qui régit les propriétés des lignes tracées sur la sphère, celle de Lobatchewsky correspond à une autre famille de surfaces simples et pour une surface quelconque, la Géométrie est non Euclidienne et plus compliquée en général que celles de Riemann-Lobatchewsky.

Pour une surface développable comme le cylindre ou le cône, qu’on peut ouvrir et appliquer sur un plan, les propriétés des lignes tracées sur la surface sont évidemment les mêmes que pour un plan, ce sont celles qu’étudie la géométrie plane ordinaire, la Géométrie Euclidienne.

Les diverses surfaces n’ont pas, au point de vue pratique une égale importance ; après celle du plan, vous avez étudié la Géométrie de la sphère mais vous n’avez pas envisagé celle des lignes tracées sur la surface de cette carafe parce qu’elle est très compliquée et dépourvue d’applications. Il n’en est pas moins vrai que sur une surface quelconque on peut tracer des lignes et que parmi celles-ci il en est qui jouent un rôle privilégié analogue à celui que joue la droite dans le plan ou, sur le cylindre, l’hélice que devient la droite du plan après l’enroulement. Ces lignes privilégiées s’appellent géodésiques. Chacune d’elles représente sur la surface le plus court chemin entre deux de ses points. C’est encore, si l’on veut, la ligne suivant laquelle un fil tendu s’applique sur la surface.

Dans le cas de la sphère, ces lignes sont les grands cercles, c’est-à-dire les circonférences dont le plan passe par le centre de la sphère.

Pour aller d’un point à un autre sur la Terre, par exemple, le plus court chemin consiste à suivre l’arc de grand cercle suivant lequel la sphère est coupée par le plan qui contient les deux points et le centre. Quand on prend une géodésique et un point situé en dehors d’elle sur la surface peut-on, par ce point, faire passer des géodésiques qui ne rencontrent pas la première, c’est-à-dire des parallèles à celle-ci ? La réponse à cette question dépend de la surface considérée. Sur le plan Euclidien ou sur la surface développable, il y a une parallèle et une seule conformément au postulatum d’Euclide.

Vous savez que sur la sphère deux grands cercles quelconques se rencontrent en deux points diamétralement opposés ; il n’y a donc pas de parallèles sur la sphère, bien que tous les axiomes ou postulats de la Géométrie plane autres que le postulatum d’Euclide y soient encore vérifiés. En fait, Beltrami et Poincaré ont montré que la Géométrie des lignes tracées sur la sphère n’est pas autre chose que la Géométrie de Riemann dans laquelle on suppose que par un point on ne peut pas mener de parallèle à une droite donnée. Il suffit dans les résultats de cette Géométrie de remplacer le mot droite par celui de grand cercle pour obtenir exactement la Géométrie sphérique.

Pour d’autres surfaces au contraire, on peut par un point quelconque faire passer une infinité de géodésiques ne rencontrant pas une géodésique donnée et pour lesquelles cependant les autres axiomes de la Géométrie ordinaire subsistent. La Géométrie des lignes tracées sur ces surfaces est précisément celle de Lobatchewsky à condition de remplacer dans les énoncés de celle-ci le mot de droite par celui de Géodésique ce qui ne change évidem-