Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à la rencontrer, n’avait pas d’adversaire plus résolu. « La géométrie est un aspect de la physique », avait-il coutume de dire. Il s’irritait du caractère de science achevée, universelle et définitive, conféré à la mécanique par l’enseignement de trop nombreux mathématiciens, alors qu’en réalité, la mécanique newtonienne représente seulement « une première approximation, l’aspect le plus superficiel des corps aux faibles vitesses et à l’échelle humaine ». Il s’élevait contre ce qu’il appelait « la colonisation de tout le restant de la physique par la mécanique rationnelle ».

Autre preuve frappante de la rare liberté d’esprit de Paul Langevin, de son dédain à l’égard de tous les préjugés, des opinions régnantes, de l’orthodoxie universitaire : il ne fut jamais dupe de l’orgueilleuse théorie de la « mentalité primitive », si commode pour les impérialismes lancés à la conquête des peuples prétendus sauvages. Les peuples opprimés eurent toujours en lui un ami. Il soutenait à chaque occasion qu’il n’y a pas de différence de nature, — pas de différence au point de vue des opérations de l’esprit, c’est-à-dire surtout au point de vue de la possibilité de prévoir, — entre la connaissance rudimentaire dite du sens commun et la connaissance plus complète et plus abstraite dite scientifique. D’où il suit en particulier que « la science est accessible à tous ».

Cette rupture catégorique avec la sociologie vulgaire soi-disant française débarrassait sa route d’un obstacle où plus d’un homme de sa génération a achoppé : l’orgueil d’appartenir en quelque sorte à une humanité élue, privilégiée.

On discerne sans peine le lien qui unit une pareille confiance dans la raison de l’homme commun à la volonté de lutter contre l’idéalisme réactionnaire destiné à obscurcir dans les masses leur conscience du monde.

Dans sa conférence à l’école Edgar Quinet sur la valeur sociale de la science, — un de ces puissants exposés de vulgarisation qu’il aimait à présenter aux publics les plus divers, et auxquels il apportait un soin