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tron un libre-arbitre mystique. Ils ont nié la capacité de l’homme de connaître les lois objectives de l’univers. Et en « prouvant » de la sorte l’absence d’un développement régulier dans le monde, par conséquent aussi l’impossibilité du progrès, ils livraient la forteresse de l’intelligence à la mystique et au fidéisme.

Paul Langevin a de tout temps combattu ces tendances, affirmé la possibilité humaine de pénétrer les lois de l’évolution naturelle, exalté l’intelligence et la raison. C’est en développant de telles conceptions dans un sens logique, durant des dizaines d’années, qu’il est arrivé à ce couronnement de l’humanisme : le matérialisme dialectique.

Né dans le peuple travailleur, constamment resté lui-même au contact de la technique, Langevin, dès l’origine, a gardé l’attention concentrée sur la liaison de la théorie et de la pratique. C’est ainsi qu’à un premier niveau de leur conjonction, il se préoccupait par exemple, comme Descartes autrefois et comme le fait à son tour la science soviétique contemporaine, des prolongements de la vie humaine permis ou rendus probables par la science. À un étage supérieur, la science assumait pour lui une fonction morale : elle devenait facteur de sécurité au sens du matérialisme épicurien, c’est-à-dire facteur du bonheur individuel fondé sur le refus que la raison oppose au surnaturel et à la peur du surnaturel. Enfin, à un degré plus élevé encore, la science lui apparaissait comme un « effort de compréhension et de synthèse » serrant le réel de plus en plus près. Longtemps avant de faire profession explicite de marxisme, Langevin montrait la progression ininterrompue du labeur scientifique de l’humanité en insistant en particulier sur le dépassement du matérialisme mécanique par la recherche contemporaine, sur l’impossibilité d’étendre les lois et formules du mécanisme classique aux particules constituant la matière.

La conception idéaliste des mathématiques, si répandue en France, si habile à s’insinuer jusque dans la pensée des hommes chez qui on s’attendrait le moins