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Quelle nouveauté était donc intervenue ? On avait établi que l’atome a une structure électrique. Contradiction qui sembla plonger la physique dans l’abîme. En effet, pour autant que l’électricité est une forme d’énergie, on était obligé de croire que la matière, faite d’atomes, est constituée par de l’énergie ! Mais pour autant que les quantités élémentaires d’électricité étaient susceptibles de mesure précise quant à leurs dimensions et à leur poids, on était obligé de croire que l’énergie électrique est une forme de matière. Ainsi, la matière devenait en dernière analyse de l’énergie, et l’énergie de la matière[1].

C’est si vrai qu’à une date plus récente, la « matérialisation » du rayonnement a été opérée effectivement au laboratoire : on sait transformer des photons (grains de lumière) en électrons (constituants de la matière).

Que veut dire tout ceci ? Simplement que « la distinction entre énergie et matière tend de plus en plus à s’estomper »[2]. En d’autres termes, que l’atome est une unité des contraires ; que des deux termes énergie et matière, chacun ne se comprend que moyennant son opposé ; ou plus généralement que la réalité est la matière active ; le mouvement, le changement est le mode d’être de la matière, comme Engels l’avait énoncé dans l’Anti-Dühring[3]. La contradiction réside dans les choses, et la physique moderne est le triomphe de la dialectique.

Paul Langevin, qui dès 1926 demandait à la science de procéder, pour résoudre ses contradictions, « sur le rythme hégélien »[4] est entré dans l’histoire de la pensée française comme le premier savant dans toute

  1. Thomas A. Jackson : Dialectics, London, Lawrence and Wishart, 1936, p. 257.
  2. Paul Labérenne, ouvrage cité, p : 244.
  3. « Le mouvement est le mode d’existence, la manière d’être de la matière. Jamais, ni nulle part, il n’y a eu de matière sans mouvement, ni il ne peut y en avoir » (Anti-Dühring, Première partie, chap. VI ; Éd. Sociales, p. 92).
  4. La valeur éducative de l’histoire des sciences, dans le Bulletin de la Société française de pédagogie, no 22, déc. 1926, p. 699.