Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/280

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(...) Pour comprendre et pour juger leur acte, nous devons faire cet effort d'intelligence dont je parlais tout à l'heure. Il faut connaître, comme j'en ai eu personnellement l'occasion[1], cet admirable personnel de la marine, pour savoir quelle intelligence et quel dévouement il apporte, à tous les degrés de la hiérarchie, dans l'exécution d'ordres qu'il est toujours prêt à comprendre, sous des chefs qu'il est toujours prêt à aimer. Vous savez ce qu'a été, pendant la guerre, leur vie de fatigues et de dangers supportés jusqu'à la fin sans un jour de faiblesse. Trois mois après l'armistice, alors qu'ils pouvaient considérer l'oeuvre surhumaine comme accomplie, au lieu de revenir au pays, comme leurs camarades des tranchées, ils partent vers l'Orient dans des conditions matérielles particulièrement dures, de l'aveu même de leurs chefs dont la bienveillance leur est toute acquise. La révolte des marins de la mer Noire est due, affirme M. le vice-amiral Amet, commandant en chef de l'Armée navale de la mer Noire, ci l'épuisement moral et physique dans lequel ils se trouvaient après avoir accompli, dans des conditions particulièrement pénibles et dangereuses, l'oeuvre la plus belle et la plus formidable de cette guerre; mais ne sait-on pas, d'après le rapport de M. le contre-amiral Barthès, chargé de l'en quête sur les événements de la mer Noire, que cet épuisement même provenait de la nourriture insuffisante, mal préparée, du manque de vêtements par des froids d'au moins 15 degrés, de la suppression des permissions, certains n'y

  1. Paul Langevin fait allusion ici aux travaux qu'il avait poursuivis pendant la guerre à la demande du Ministère de la Marine pour utiliser les ultra-sons à la détection des sous-marins.