Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/321

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

surveillée à Troyes. Il put y poursuivre, non sans difficultés, une certaine activité scientifique [purement théorique évidemment, faute de laboratoires[1]] et fit même quelques cours à l'École Normale d'institutrices. En janvier 1942 les nazis l'arrêtèrent pour la seconde fois, pour le relâcher quelques jours après. Ces alertes successives, en dépit de la bonne humeur courageuse avec laquelle il les accueillait, n'avaient pas été sans altérer la santé de Paul Langevin. C'est alors que deux coups très douloureux vinrent le frapper dans ses affections les plus chères. Son gendre Jacques Solomon, qui était aussi son plus proche collaborateur dans le domaine de la physique, celui qu'il appelait son « fils spirituel »[2], et sa fille Hélène Langevin-Solomon, tous les deux membres du parti communiste, furent tour à tour arrêtés pour leur participation à la résistance clan-destine. Le 23 mai 1942, Jacques Solomon était fusillé par les nazis au Mont-Valérien, au côté de son ami le philosophe Georges Politzer. Peu de temps après, Hélène Solomon était déportée à Auschwitz d'où elle ne devait revenir que par miracle. En même temps la surveillance des policiers allemands et des fonctionnaires vichyssois se resserrait. On pouvait tout craindre pour Langevin qui constituait pour les nazis et les collaborateurs un otage de choix, ou une victime toute désignée, suivant leur humeur. (Qu'on songe au sort de Jean Zay et de Mandel assassinés le 22 juin 1944, quinze jours après le débarquement !) Les amis de Paul Langevin, justement inquiets, le décidèrent à quitter la France. Il s'enfuit de Troyes, le 2 mai 1944, avec de faux papiers au nom de Léon Pinel, son grand-père maternel, faux papiers que lui avait confectionnés et apportés son disciple et ami Joliot-Curie. Quelques jours plus tard, il était en sûreté en Suisse, après avoir traversé la frontière du côté de Porrentruy, aidé de deux F.T.P. qui durent parfois le porter pour éviter de trop dures épreuves à ce vieillard de 72 ans dont le coeur commençait à donner des signes de fatigue.


LE RETOUR EN FRANCE


  1. Pendant son séjour à Troyes, Langevin envoya deux mémoires aux Annales de Physique, l'un sur la radioactivité et l'autre sur la possibilité d'utiliser la résonance pour mesurer les forces de gravitation.
  2. Hommage à Paul Langevin, allocution de Paul Langevin, éd. de Paris, 1945, p. 47.