Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/332

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nous avons, pendant dix ans, vécu très près l'un de l'autre. Bien des images de lui me sont restées présentes que je voudrais évoquer ici en les rattachant aux moments essentiels de sa courte et lumineuse carrière. Je situe mon premier souvenir de lui dans le cadre pittoresque du Congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences à Constantine où il avait accompagné son père, l'éminent docteur Iser Solomon, médecin, radiologiste et physicien. L'insatiable curiosité d'esprit de Jacques m'avait frappé. Son visage attentif que dominait un front puissamment modelé annonçait l'intelligence claire, profonde et souple que j'appris bien vite à aimer et qui se manifesta dès ses premiers travaux. Les problèmes les plus difficiles attiraient son esprit, comme les plus hautes cimes attiraient son corps, de Petite taille, mais rendu robuste par l'alpinisme auquel il consacrait toutes ses périodes de liberté, entretenant ainsi le bel équilibre que j'ai toujours admiré en lui. Les guides de Chamonix aimaient l'accompagner et je les ai vus souvent venir le tenter, dès que le moment leur semblait propice à quelque course nouvelle. J'aime à croire que ce goût pour la fréquentation des régions élevées, pour la sérénité des grandes idées et des vastes étendues, que le double entraînement de l'esprit et du corps ne sont pas étrangers à la force d'âme dont il a su raire preuve aux heures douloureuses. Jacques, que l'exemple de son père et le milieu dans lequel il vivait, avaient orienté vers