Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/339

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(Allocution radiodiffusée, 1945)


"Une tradition très anciennement humaine nous fait, dans la saison d'hiver propice aux réunions de famille et d'amis, ou de groupes plus larges encore, autour d'un symbole de naissance ou à propos du retour de l'année nouvelle, resserrer et rendre plus conscients les liens qui nous unissent à ceux que nous aimons à des titres divers. Nous y cherchons et nous y trouvons de nouvelles raisons d'espérer et de vivre. Ce besoin de rapprochement traduit sans aucun doute le sentiment très profond chez nous que la véritable espérance prend tout son sens et s'épanouit seulement en fonction de l'étroite solidarité qui unit les hommes et les générations. L'individu conscient d'être périssable ne peut s'isoler sans être conduit à désespérer. Je pense depuis longtemps qu'il existe un lien étroit entre le vice d'égoïsme, dont notre espèce a tant de peine à se délivrer, et l'illusion tenace d'une vie future, illusion soigneusement entretenue par les heureux de ce monde chez les déshérités, pour leur faire accepter un passage résigné dans une vallée de larmes. Nos raisons d'espérer et d'agir ne peuvent se développer vraiment que sur une large base de solidarité humaine, tout d'abord au sein de groupes différents allant de la famille jusqu'à la nation, puis entre ces groupes eux-mêmes.