Page:Langlois - Anecdotes pathétiques et plaisantes, 1915.djvu/12

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n’avait plus rien à lui offrir qu’elle voletait encore autour de son poing tendu, comme pour s’y poser.

Alors Joffre eut une de ces paroles exquises, qui, en marge de la guerre où il est un grand homme, font de lui, dans le privé, un grand cœur.

— Non, petite colombe, dit-il, pas encore. Tu viendras le chercher quand il sera en fleurs.

Et il désigna un rameau, où perlaient à peine les bourgeons, dans une haie proche.

Son chauffeur.

M. Edmond Théodore est un homme heureux. La gloire lui sourit, puisque c’est lui qui a l’insigne honneur de conduire l’automobile du général Joffre.

À la vérité, un autre chauffeur avait d’abord été désigné, une des grandes vedettes de l’automobilisme, Boillot, qui avait gagné les plus brillantes épreuves et dont la sûreté au volant, par conséquent, paraissait établie. Mais, d’une part, le général aime à aller très vite, et de l’autre, Boillot, qui jusqu’ici n’a guère risqué que sa vie et non celle des autres, ne compte guère avec l’obstacle. À une des premières sorties, à un virage trop audacieux, il faillit verser la voiture. De retour à l’étape, tranquillement, sans faire le moindre reproche à son conducteur, le général exprima le désir d’en changer.

Un des traits qui peignent le mieux la tranquillité d’âme et la solidité de notre grand chef est celui-ci : il avait, pour s’entendre avec de hautes autorités, un assez long trajet à faire, quelque 100 kilomètres. Solidement assis au fond du torpédo, il s’installe, il s’enveloppe les jambes dans une couverture et, malgré la vitesse, malgré le vent, oubliant ses préoccupations pour s’imposer un repos nécessaire, pendant toute la route, à l’aller comme au retour, il dort d’un sommeil d’enfant.