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ANECDOTES PATHÉTIQUES


Debout, les morts !

Nous étions en train d’aménager une tranchée conquise. Au barrage de sacs qui fermait son extrémité, deux guetteurs faisaient bonne garde. Nous pouvions travailler en toute tranquillité.

Soudain, partie d’un boyau que dissimule un repli de terrain, une avalanche de bombes se précipite sur nos têtes. Avant que nos hommes puissent se ressaisir, dix sont couchés à terre, morts et blessés pêle-mêle.

J’ouvre la bouche pour les pousser en avant de nouveau, quand un caillou du parapet, déchaussé par un projectile, me frappe à la tête. Je tombe sans connaissance.

Mon étourdissement ne dure qu’une seconde. Un éclat de bombe me déchire la main gauche, et la douleur me réveille.

Comme j’ouvre les yeux, affaibli encore et l’esprit engourdi, je vois les Boches sauter par-dessus le barrage de sacs et envahir la tranchée.

Ils sont une vingtaine.

Ils n’ont pas de fusils, mais ils portent par devant une sorte de panier d’osier rempli de bombes.

Je regarde à gauche ; tous les nôtres sont partis, la tranchée est vide. Et les Boches avancent ; quelques pas encore et ils sont sur moi !

À ce moment, un de mes hommes, étendu, une blessure au front, une blessure au menton, et dont tout le visage est un ruissellement de sang, se met sur son séant, empoigne un sac de grenades placé près de lui et s’écrie :

— Debout, les morts !