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anecdotes belges

force brutale ou par la contrainte, ont imaginé, connaissant la richesse des caves gantoises, de mettre le grappin sur tous les vins. Ils ont donc fait afficher une proclamation de la Kommandantur déclarant que les habitants devraient, dans les huit jours, faire connaître, en vue des réquisitions prochaines, la quantité exacte des bouteilles en leur possession ; toutefois, il était permis à tout citoyen d’en posséder personnellement un maximum de cinquante.

Ce fut tout d’abord, parmi la bourgeoisie de la vieille cité flamande, un commencement de révolution ; bientôt pourtant les esprits se ressaisirent. On tint de petits conciliabules, des réunions privées et familiales. De graves décisions en sortirent. Les Allemands n’auraient pas le vin ; dût-on le faire couler dans la boue du ruisseau et dans la fange des égouts, le jus de la treille resterait la propriété exclusive du sol gantois.

Le principe ainsi posé fut admis. Il importait maintenant de l’appliquer. Le point fut vite trouvé. On mettrait le vin en dépôt ; plus simplement encore, on donnerait aux amis et connaissances le surplus des cinquante bouteilles individuellement possédées. C’est ce qui fut fait. Dès le lendemain, on vit des véhicules de toutes sortes : charrettes, brouettes, tombereaux transportant le vin mystérieusement emballé, au hasard de la ville. Et quand, quelques jours après, la Kommandantur prit connaissance des déclarations des citoyens et vit qu’il y avait si peu de vin dans la ville, le gouverneur eut un geste d’impatience :

— Tas de foleurs ! s’écria-t-il ; ils font me le bayer très cher !

Ces bons Liégeois.

Il y a quelques jours, les Allemands affichaient, dans toutes les localités du pays de Liège, les « résultats » d’une bataille livrée en Prusse Orientale. Ils déclaraient