Page:Langlois - Collection des historiens anciens et modernes de l’Arménie ; Première période, tome 2, 1869.djvu/80

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« Titan et Japhet, dit-elle, s’opposèrent à la tyrannie de Zérouan, et lui déclarèrent la guerre. Car Zérouan pensait faire régner ses enfants sur tous [les autres]. Dans ce conflit, dit-elle, Titan conquit une partie du territoire de Zérouan ; mais Asdghig, leur sœur, s’interposant entre eux, fit cesser la querelle. Ils consentirent à laisser régner Zérouan, mais [ils convinrent], par un pacte juré, de faire mourir tous les enfants mâles qui naîtraient de Zérouan pour qu’il ne régnât pas toujours sur eux dans sa postérité. C’est pourquoi ils chargent plusieurs robustes Titans de surveiller les enfantements des femmes de Zérouan. Déjà deux mâles sont immolés pour maintenir le pacte juré, quand Asdghig, sœur de Zérouan, de Titan et de Japhétos, d’accord avec les femmes de Zérouan, médite de persuader et de déterminer plusieurs Titans à laisser vivre les antres mâles et à les transporter en Occident sur la montagne appelée Tutzenguetz, actuellement l’Olympe.

Quoique ce récit soit tenu pour fabuleux ou réel, moi, dans ma conviction, j’y trouve beaucoup de vérité ; car Épiphane, évêque de Constance en Chypre, dans sa Réfutation des Hérésies, dans laquelle il s’applique à démontrer que Dieu est sincère et équitable dans ses jugements, même en exterminant les sept races par les mains des fils d’Israël, s’exprime ainsi : C’est avec justice que Dieu détruisit et fit disparaître ces races de la présence des fils d’Israël, car la terre de ces possessions était échue en partage aux enfants de Sem, et Cham l’occupa et s’en empara. Or Dieu, maintenant le droit des traités jurés, punit la race de Cham, en lui enlevant l’héritage de Sem. » Il est fait mention des Titans et des Réphaïm dans les divines Écritures.

Mais relativement à ces anciens discours tenus autrefois par les sages de la Grèce et transmis jusqu’à nous par les [hommes] appelés Gorgias ( ?), Korki, Panan et par un autre nommé David, il convient, quoique brièvement, de les redire. Un d’eux, profond philosophe, parlait ainsi : « Vieillards, lorsque je cultivais la science, au milieu des Grecs, il arriva qu’un jour il y eut entre ces sages et ces savants une discussion touchant la géographie et la division des nations. Les uns d’une manière, les autres d’une autre, citaient les livres ; or, le plus profond de tous, Olympiodore, s’exprima ainsi : « Je vous rapporterai, dit-il, les discours non écrits, parvenus par la tradition, discours que répètent encore aujourd’hui beaucoup de paysans. Il existe un livre relatif à Xisuthre et à ses enfants, livre qu’on ne voit plus nulle part, où l’ordre des faits se trouve ainsi fixé : « Après la navigation de Xisuthre en Arménie et son débarquement sur la terre ferme, un de ses fils, appelé Sim, s’en va, est-il dit, au nord-ouest pour reconnaître la contrée. Arrivé au pied d’une montagne à la large base qui forme une plaine arrosée par des fleuves qui se rendent en Assyrie, il s’arrête sur les rives de ce fleuve [l’espace de] deux heures, et appelle la montagne de son nom, Sim ; puis il retourne au sud-est, d’où il était parti. Un de ses plus jeunes fils, nommé Darpan, avec ses trente fils, ses quinze filles et leurs époux, s’étant séparé de son père, retourne s’établir sur les rives du fleuve. Sim, du nom de son fils, appelle cet endroit Daron, et le lieu où il n habité lui-même Tzéronk (dispersion), car ce fut là que pour la première fois



(1) Cf. notre Collection t, f, p. 168, note 2, et p. 388, note 6, et, pour plus de détails, Indjidji, Antiq. de l’Arm., t. III, p. 60, 166 et passim. (2) Ce mot est un composé, qui veut dire « rebut des dieux ». (3) Comparer tout ce récit avec le liv. III des Oracula sibyllina, vers 116 à 141 (éd. de M. Alexandre, t. I, p. 102-105). (4) Cf. saint Épiphane, Euvres, t. I, p. 704 (éd. Co- logne, 1682), et Thomas Ardzrouni (Hist. des Ardz., p. 17) qui cite également ce Père de l'Église, à propos de la division des trois races humaines. (5) Genèse, XIV, 5; XV, 20. -Josué, XII, 14; XIII, 12. I, Paral., XX, 4.-Judith, VIII, i et passim. (1) Cf. notre Collection, t. I, p. 388, notes 3, 4. (2) Cf. notre Collection, t. I, p. 388, note 5, cel. 2. (3) Cf. notre Collection, t. I, p. 34, note 3, col. 1. (4) Le canton de Daron, l'un des seize districts de la pro- vince de Douroupéran, est assurément le plus connu de tous, car il a été souvent cité par les Grecs, les Latins et les Arméniens. Il paralt que souvent le canton de Daron donna son nom aux cantons environnants et même à la plus grande partie du Douroupéran. (Indjidji, Arm. anc., p.89 et suiv.)-Saint-Martin (Mém. sur l'Arm., t. I. p. 98-99). Strabon dit que le canton de Daron fut enlevé par Arlaxias aux Syriens (Géogr., liv. XI, ch. 14, $5). On sait du reste que ce pays, malgré son annexion à l'Arménie, fut toujours regardé par les Syriens comme faisant partie de leur habitation, et, même après la con- version des populations de ce pays au christianisme, le canton de Daron était encore peuplé de Syriens. Les principaux couvents, notamment celui de Saint-Jean- Précurseur, restèrent en la possession de moines syriens pendant assez longtemps (Zénob de Glag, Hist. de Da- ron, dans notre Collection, t. I, p. 337, et Jean Mamigo- nien, Contin. de cette Histoire, p. 382, Mémorial). L'histoire du canton de Daron est une des histoires par- ticulières qui nous est le plus connue, grâce aux livres de Zénob et de Jean Mamigonien, que nous venons de citer.