Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/114

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d’Ahitchhatra et de Câmpilya. Drona les reçut ; mais il rendit, comme tu le sais, Câmpilya à Droupada.

Tel est le récit que j’avais à te faire sur la famille de Droupada, de Brahmadatta, de Nîpa et d’Ougrâyoudha.

Youdhichthira dit :

Ô fils de Gangâ, comment l’oiseau Poûdjanîyâ creva-t-il autrefois les yeux du fils de Brahmadatta ? Par quelle raison cet oiseau, depuis longtemps commensal et ami de ce prince, commit-il envers lui cette indignité ? Qu’était-ce que Poûdjanîyâ ? qu’était-ce que cette amitié qui existait entre cet oiseau et le roi ? Fais-moi le plaisir de me dire là-dessus toute la vérité.

Bhîchma répondit :

Grand roi, voici cette aventure[1], telle qu’elle arriva dans le palais de Brahmadatta. Ce prince avait pour ami un oiseau dont les ailes étaient noires, la tête rouge, le dos et le ventre blancs. Cette amitié semblait ferme et durable. L’oiseau avait fait son nid dans le palais du roi : il sortait pendant le jour et volait sur les bords de la mer, des lacs, des fleuves et des rivières, sur les montagnes, dans les bois et les forêts, sur les étangs fleuris, au milieu des lotus odoriférants, qui abandonnent aux vents les parfums de leurs fleurs épanouies ; après avoir erré dans tous ces lieux enchanteurs, il revenait le soir à Câmpilya, et se reposant auprès du sage Brahmadatta, il lui faisait des récits de tout ce qu’il avait vu dans ses courses aventureuses. Le roi Brahmadatta eut un fils nommé Sarwaséna. Dans le même temps, Poûdjanîyâ (c’est le nom de l’oiseau) devint mère : dans son nid elle déposa un seul œuf, qui vint à éclore ; il en sortit une masse de chair dont les membres[2] n’étaient pas encore bien distincts, qui entr’ouvrait un large bec, et semblait privée d’yeux. Peu à peu les yeux parurent, les ailes

  1. Cette fable se retrouve dans le chapitre xii de Calila et Dimna, et dans le chapitre viii de la iiie partie des Contes et fables indiennes, traduites par Galland et Cardone. La Fontaine l’a imitée dans ses fables, liv. x, fab. 12.
  2. Le texte renferme les mots de pieds et de mains : par le mot main l’auteur désigne sans doute les deux membres supérieurs, c’est-à-dire les ailes de l’oiseau, non encore garnies de plumes.