Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/115

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grandirent, et cette masse d’abord informe devint un oiseau charmant. Poûdjanîyâ aimait également le fils du roi et son petit ; et cet attachement croissait de jour en jour. Quand la nuit revenait, elle apportait dans son bec pour les deux enfants deux pommes d’amrita[1], égales pour le goût à l’ambroisie céleste. C’était un vrai plaisir pour eux de manger ces fruits. Pendant que Poûdjanîyâ était sortie, la nourrice du fils de Brahmadatta faisait jouer le petit prince avec le petit oiseau[2], et allait prendre celui-ci dans le nid de Poûdjanîyâ. Un jour l’enfant du roi, en badinant, saisit par le col et serra fortement dans sa main l’oiseau, qui fut promptement étouffé. Brahmadatta, en voyant par terre, le bec ouvert et sans vie[3], le fils de son amie, mis à mort par son propre fils, se livra à toute sa douleur. Il se mit à pleurer, et gronda sévèrement la nourrice. Son chagrin était extrême, et il plaignait le sort du pauvre oiseau, quand Poûdjanîyâ revint dans le palais, par les routes de l’air, apportant les deux fruits selon sa coutume. A son arrivée, elle aperçoit son enfant, celui qui a été formé de son corps, étendu sans mouvement et sans vie. D’abord elle perd l’usage de ses sens ; mais quand elle revient à elle-même, elle fait entendre ces tristes lamentations : « Ô mon cher petit, j’arrive, je t’appelle, et tu ne sautilles pas autour de moi ! tu ne fais pas entendre ces sons inarticulés et si doux à mon oreille ! Ouvrant ton bec jaune et mignon, et me découvrant ton palais empourpré, pressé de la faim, pourquoi ne viens-tu pas aujourd’hui ? Pourquoi ta mère n’entend-elle plus tes cris[4] ? Quand reverrai-je cet enfant, qui faisait mes délices, le bec ouvert, me demandant de l’eau, et agitant ses ailes devant moi ? En te perdant, j’ai perdu tout mon bonheur. »

Après avoir exhalé bien d’autres plaintes, elle s’adressa ainsi au roi : « Ne sais-tu pas quels sont les devoirs prescrits par la loi divine, toi qui as reçu l’eau du baptême royal ? Par le fait de cette nourrice, tu as toi-même im-

  1. Rien n’indique l’espèce de cet arbre. Jones, iie vol. des Rech. asiat., dit que l’amrita est le jambosier (rose apple).
  2. On emploie ici d’une manière générale le mot चटक​ tchataca, qui signifie proprement moineau. C’est peut-être ce mot mal entendu qui a fait introduire dans la fable le moineau qui est la cause de la dispute des deux amis. Voyez la Fontaine.
  3. L’expression sanscrite indique que l’animal est réuni aux cinq éléments, il est entré dans le Pantchatwam.
  4. Je me suis abstenu de reproduire ces cris, exprimés cependant dans le texte. Je les insère ici pour ceux que ces petits détails pourraient flatter ; voici la transcription de cette onomatopée que j’ai rencontrée plusieurs fois : tchitchî-coutchi.