Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de mauvaise foi ; même comptez peu sur l’homme de bonne foi. La crainte qui succède à la confiance coupe jusqu’aux racines de la sécurité. C’est aventurer ses jours que d’oser follement se reposer sur la foi des hommes de cour, dont le cœur est naturellement gâté. Celui qui cherche à se grandir auprès des rois, est bientôt écrasé comme un vil insecte[1]. Ousanas a dit encore, ô prince : Un adroit ennemi, sous le masque de la bonté, vous embrasse et vous étouffe ensuite, comme la plante rampante qui presse un grand arbre. Il se fait doux, souple et petit ; peu à peu il vous enveloppe : c’est la fourmi qui ronge insensiblement les racines d’une plante. Hari lui-même, endormant la défiance de Namoutchi[2] pendant quelque temps, finit, en présence des Mounis, par le tuer avec l’écume des eaux. Les hommes, pour se défaire de leur ennemi, attendent le moment du sommeil, de l’ivresse, de la passion ; ils emploient le poison, le feu, le fer et la magie même. Leur sollicitude va jusqu’à détruire tout ce qui peut rester de lui : ils donnent la mort à ses enfants, ne doutant pas qu’un jour ceux-ci professeront aussi contre eux la même inimitié. Ce qu’on laisse d’un ennemi, est comme un reste de dettes ou de feu, qui ne peut, ô prince, que croître et s’augmenter. Tout ce qui lui a appartenu, doit donc être anéanti. Un ennemi rit et cause avec vous, il mange au même plat, il s’assied sur le même siège, et ne perd pas le souvenir de son injure. Il ne faut point se fier à lui, lors même qu’il deviendrait votre parent. Indra[3] devint le gendre de Pouloman, et cependant il lui donna la mort. Le sage ne doit point s’approcher de celui qui lui parle amitié, et qui cache l’inimitié dans son cœur : il doit le fuir, comme le cerf fuit le chasseur. Gardez-vous de rester auprès de celui dont la haine a gonflé le cœur : il vous entraînera avec vos racines, comme le torrent emporte l’arbre de sa rive. Ne comptez pas sur la fortune que vous pouvez recevoir d’un ennemi ; ne dites pas avec confiance : Je suis bien haut. Cette élévation même causera

  1. L’insecte dont on parle ici est le pou, प्राकारकीत​.
  2. Namoutchi est le nom d’un Asoura, d’un ennemi des dieux, et nous verrons ailleurs les combats variés que se livrent ces terribles rivaux, combats dans lesquels Vichnou est toujours obligé d’intervenir.
  3. Indra est le dieu du ciel, et sa femme se nomme Satchî : c’était la fille du Mouni Pouloman, qui avait le malheur d’être de la race des Dânavas, et par conséquent ennemi des dieux. Indra avait enlevé Satchî, et pour prévenir la malédiction d’un père irrité, il tua Pouloman.