Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/116

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molé mon enfant ; par la main de ton fils, c’est toi qui l’as tué. Injuste Kchatriya, pour éclairer ton esprit, Angiras[1] n’avait-il pas dit : Vous devez toujours protection à celui qui est venu implorer votre secours, soit qu’il fût pressé de la faim ou poursuivi par son ennemi, surtout quand il est longtemps resté sous votre toit. L’homme qui refuse de le protéger va certainement en enfer. Comment les dieux pourraient-ils recevoir son offrande, et les Pitris sa swadhâ ? » À ces mots, s’abandonnant à tout son courroux[2], elle, si bonne, si sensible, égarée par la douleur, elle creva les deux yeux de l’enfant royal. D’une serre cruelle elle lui arracha la vue, et s’élança aussitôt après dans les airs.

En voyant son fils dans cet état, le roi dit à Poûdjanîyâ : « Ma belle amie, sois sans crainte, ton action n’est que trop légitime. Tâche de te consoler, et demeure avec moi : que notre amitié reste inaltérable. Comme auparavant, continuons nos rapports et nos récréations. Je n’ai point contre toi de ressentiment à cause du malheur de mon fils ; soyons amis, tu n’as fait que ce que tu devais faire. » Poûdjanîyâ lui répondit : « Je juge de ton amour pour ton fils par celui que j’avais pour le mien. Prince, après avoir privé ton enfant de la lumière, et coupable envers toi, je ne veux plus rester dans ton palais. Je te rappellerai les sentences du sage Ousanas[3] : Il faut éviter d’avoir un mauvais allié, un mauvais pays, un mauvais roi, un mauvais ami, de mauvais enfants et une mauvaise femme. Avec une mauvaise alliance, point d’amitié ; avec une mauvaise femme, point de plaisir ; avec de mauvais enfants, point de srâddhas[4] ; avec un mauvais roi, point de justice ; avec un mauvais ami, point de bonne foi ; dans un mauvais pays, point de vie agréable. Avec un mauvais roi, on éprouve une crainte continuelle ; avec de mauvais enfants, des malheurs naissent de tous côtés. L’inférieur qui se fie au méchant périt bientôt, privé de protecteur et de force. Ne comptez point sur un homme

  1. On prête à un personnage, nommé Angiras, un traité sur les lois, qui subsiste toujours. J’ignore si les maximes suivantes en sont extraites.
  2. Voyezxiiie lecture, note 5.
  3. Ousanas est le même que Soucra, fils de Bhrigou, et régent de la planète de Vénus. Il est le précepteur et le prêtre des Dêtyas. On lui donne aussi le nom de Cavi, poëte, et on cite souvent de lui, dans les grands poëmes, des maximes morales qu’on lui attribue.
  4. Les Indiens tenaient à ces cérémonies funèbres, qui devaient assurer leur bonheur après leur mort ; et c’était un devoir de bon fils que de les célébrer à certaines époques déterminées.