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VINGT-QUATRIÈME LECTURE.

RETRAITE DE BRAHMADATTA.

Mârcandéya continua :

Le fils de Brahmadatta fut Vibhrâdja lui-même régénéré ; animé par la piété, et couvert de gloire, il se nomma Viswakséna. Un jour Brahmadatta, l’âme contente et heureuse, se promenait dans un bois avec son épouse : il ressemblait à Indra accompagné de Satchî. Ce prince y entendit la voix d’une fourmi : c’était un amant qui cherchait à fléchir sa maîtresse par son tendre langage. En recueillant la réponse de l’amante courroucée, et en pensant à la petitesse de cet être, Brahmadatta ne put s’empêcher de rire aux éclats. Sannati en parut offensée, et rougit. Son ressentiment alla jusqu’à lui faire refuser de manger : son mari voulut en vain l’apaiser. Elle lui répondit avec un sourire amer : « Ô prince, vous avez ri de moi, je ne puis plus vivre. » Le roi lui dit le fait tel qu’il était. Elle ne voulut point y ajouter foi, et lui répondit avec humeur : « Ô prince, cela n’est pas dans la nature. Quel homme peut connaître le langage des fourmis ? à moins que ce ne soit un effet de la faveur d’un dieu récompensant les bonnes actions d’une vie précédente, ou le fruit d’une grande pénitence, ou le résultat d’une science surnaturelle. Ô roi, s’il est vrai que vous ayez ce pouvoir, si vous connaissez la langue de tous les êtres, daignez me communiquer votre science, ou que je meure, comme véritablement maudite de vous. »

Brahmadatta fut touché des tendres plaintes de la reine : il eut recours à la protection de Nârâyana, seigneur de tous les êtres. Recueilli, et jeûnant, pendant six nuits, il l’adora : alors ce glorieux prince, dans une vision, aperçut le dieu, qui est l’amour de toute la nature, et qui lui dit : « Brahmadatta, demain matin tu auras le bonheur. » Ainsi parla le dieu, et il disparut.

Cependant le père des quatre Brahmanes ayant appris de ses enfants les paroles mystérieuses qu’ils lui avaient confiées, se regardait comme sûr de