Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/127

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son fait. Il cherchait un moment où il rencontrerait le roi avec ses conseillers, et ne put de quelque temps trouver l’instant de lui faire entendre les mots qu’il avait à lui dire. Nàrâyana avait rendu son oracle ; le roi, satisfait de sa réponse, avait fait son ablution de tête, et monté sur un char tout brillant d’or, rentrait dans la ville. Le chef des Brahmanes, Candarîca, tenait les rênes des chevaux, et le fils de Bâbhravya portait le tchâmara et l’éventail royal[1]. C’est le moment, » se dit le Brahmane, et aussitôt il adresse ces mots au roi et à ses deux compagnons : « Les sept chasseurs du pays de Dasârna, les cerfs du mont Câlandjara, les oies du Sarodwîpa, les cygnes du Mânasa étaient anciennement dans le Couroukchétra des Brahmanes instruits dans les Vèdes : dans ce long voyage pourquoi donc restez-vous en arrière[2] ? » À ce discours, Brahmadatta demeura interdit, ainsi que ses deux amis Pantchâla et Candarîca. En voyant l’un laisser tomber les rênes et l’aiguillon, et l’autre, l’éventail royal, les spectateurs et les courtisans furent frappés d’étonnement. Un instant après, le roi, élevé sur le char avec ses deux compagnons, reprit ses sens et continua sa route. Mais tous les trois se rappelant les bords du lac sacré, recouvrèrent aussi leurs anciens sentiments de dévotion. Ils comblèrent de richesses le Brahmane, à qui ils donnèrent des pierres précieuses et d’autres présents. Brahmadatta céda son trône à Viswakséna, et le fit sacrer roi : pour lui, il se retira dans la forêt avec sa femme. C’est là que la pieuse fille de Dévala, Sannati, heureuse de se livrer uniquement à la dévotion, dit à son époux : « Ô grand roi, je savais bien que tu connaissais la langue des fourmis ; mais en feignant de la colère, je voulais t’avertir que tu étais dans les chaînes des passions. Nous allons maintenant suivre la route sublime qui est l’objet de nos désirs. C’est moi qui ai réveillé en toi cet amour de la dévotion qui n’y était qu’assoupi. » Le prince fut charmé de ce discours de sa femme ; et par le moyen de la dévotion, à laquelle il se consacra avec toutes les forces de son âme, il entra dans cette voie supérieure où il est difficile d’arriver.

Candarîca, animé du même zèle, fut aussi habile dans la science du sân-

  1. Les insignes de la puissance royale sont l'étendard (dhwadja), le parasol (tchhatra), l'éventail (vyadjana) et le chowri (tchâmara) qui est un émouchoir formé d’une queue de vache de Tartarie.
  2. J'ai suivi le manuscrit dévanâgari de Paris. Les deux autres présentent un sens plus obscur : ils semblent dire que ces trois personnages restent, quand leurs compagnons sont déjà partis.