Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/149

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personnage pieux avait-il pu lancer une imprécation sur une terre sainte, sur le champ de perfection ?

Vêsampâyana dit :

Le Râdjarchi Divodâsa, maître de Bârânasî, habita quelque temps avec gloire cette ville agréable. C’était à l'époque où Siva venait de se marier, et où, toujours épris de sa femme, il demeurait auprès de son beau-père. D’après l'ordre du dieu, les doctes pénitents qui formaient sa suite, charmaient Pârwatî[1] par la représentation de pièces anciennes[2]. La déesse était dans l’enchantement : mais Ménâ, sa mère, ne partageait point ses transports ; elle blâmait sa fille qui recevait de pareils hommages, elle blâmait aussi son gendre. « Siva ton mari, dit-elle à Pârwatî, entouré de tous ces baladins et ne suivant aucune règle de conduite, sera toujours pauvre. Je ne lui vois aucune qualité solide. » En entendant ce discours de sa mère, la bienfaisante déesse éprouva du chagrin : cependant elle sourit, et alla retrouver son époux. Elle était pâle et abattue, et elle dit à Mahâdéva[3] : « dieu, je ne veux plus rester ici : conduisez-moi dans votre demeure. » Pour complaire à ses désirs, Mahâdéva regarda tout les mondes, et se déterminant à se fixer sur la terre, ce dieu embellit de tout l’éclat de sa puissance, à Bârânasî, le champ de perfection (Siddhikchétra). Mais comme cette ville était occupée par Divodâsa, il appela Nicoumbha, un de ses officiers ordinaires, et lui dit : « Chef de ma cour divine[4], rends-toi à Bârânasî, et que cette ville

  1. C'est un des noms de l'épouse de Siva, ainsi appelée parce qu’elle était la fille du mont Himâlaya : पर्व्वत​ parwata veut dire montagne.
  2. Le mot employé pour exprimer cette idée est उपवेष​ ou उपवेश​, qui indique une suite d'entrées et de sorties formant des scènes, ou bien la pompe des costumes et des décorations. Le manuscrit bengali donne उपदेश​ instruction, avertissement. Il ne faut pas s'étonner de voir des pénitents occupés de pareils divertissements : le Mouni Bharata passe pour l'inventeur du drame ; les Mounis Silâlin ou Siloûcha et Crisâswa, pour les auteurs des préceptes de l'art mimique; et le Mouni Tandou, pour le premier maître d'une danse de caractère nommée tândava, accompagnée de gestes violents, et en usage parmi les sectateurs de Siva. Dans l'Outtara-Râma-tcharitra, le vénérable Valmîki donne ses soins à la représentation d'une pièce. Les directeurs des troupes de comédiens sont des Brahmanes. Voyez les prologues des différentes pièces contenues dans le recueil du docte Wilson.
  3. Mahâdéva est une épithète de Siva, signifiant grand dieu.
  4. Le mot sanscrit est गणेश्वर​ ganéswara.