Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/20

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enfanté par elle au milieu d’une île (dwîpa), reçut le surnom de Dwêpâyana ! De ses lèvres sortit le Bhârata, poëme incomparable, aussi pur que purifiant, dont la lecture détruit le péché et donne le bonheur, plus efficace que l’aspersion même des eaux du Pouchcara[1]. Gloire au fils de Parâsara, à Vyâsa, dont la naissance a réjoui le cœur de Satyavatî ! Le monde boit avec avidité le nectar poétique qui découle de sa bouche. Donner au Brahmane instruit dans les Vèdes et les écritures sacrées cent génisses aux cornes dorées, ou entendre la lecture du saint Bhârata, c’est acquérir des mérites égaux.

Le Maharchi Vyâsa est aussi l’auteur du Harivansa, qui assure à ses lecteurs les mêmes fruits éternels que produisent ici-bas cent aswamédhas[2] et quatre cent mille sacrifices ordinaires[3], ou bien ceux que l’on retire du sacrifice royal (râdjasoûya)[4] par le moyen des cérémonies appelées vâdjapéya et hastiratha. Car tels sont les avantages accordés aux discours de Vyâsa, comme aux chants du Maharchi Vâlmîki[5]. Pour celui qui tire une

    noms particuliers, suivant la classe à laquelle ils appartiennent, comme Brahmarchi, Dévarchi, Râdjarchi, etc. Nous saisissons cette occasion pour avertir notre lecteur que nous nous sommes fait une loi de reproduire le mot sanscrit, toutes les fois que notre langue ne nous offrait pas d’expression équivalente.

  1. Le mot Pouchcara désigne en général un étang consacré, et en particulier un lac, à quatre milles d’Ajmère, près duquel existe une petite ville, nommée aujourd’hui Pokur, qui est un lieu célèbre de pèlerinage.
  2. Sacrifices dans lesquels un cheval était pris pour victime : cent sacrifices de ce genre valaient à celui qui les avait faits la dignité d’Indra ou roi des dieux.
  3. Je rends ainsi शतक्रतु (satacratou) dans ce passage obscur. Ce mot est quelquefois une épithète d’Indra. Je crois qu’il faut ici le décomposer, et traduire चतु : सहस्रस्य शतक्रतो : par cent sacrifices multipliant quatre mille, c’est-à-dire quatre cent mille ; comme ailleurs दश वर्षसहस्राणि dix milliers d’années, ou mille années multipliées par dix.
  4. Sacrifice offert par un prince suzerain assisté de ses grands feudataires. On y présentait aux dieux une liqueur fermentée, formée de farine et d’eau : c’était la cérémonie du vâdjapéya. Pour celle de l’hastiratha, j’avoue que j’ignore en quoi elle consistait : ce mot est composé de हस्ति (hasti), éléphant, et de रथ (ratha), char. Le Nouveau Journal asiatique, N° 54, juin 1832, pag. 550, décrit une cérémonie, moderne il est vrai, mais peut-être conservée des anciens temps, et qui pourrait avoir quelque rapport avec l’hastiratha.
  5. Vâlmiki est l’auteur du Râmâyana. Ce passage semble établir une différence entre les genres de ces deux écrivains : pour Vyâsa, on emploie le mot वचस् (vatchas), qui désigne plutôt l’orateur ou le moraliste ; pour Vâlmiki, le mot गीत (gîta), qui convient mieux au rhythme harmonieux et cadencé du poëte.