Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/66

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il épousa Sandjnâ, fille de Twachtri, que l’on connaît encore dans les trois mondes sous le nom de Sourénou. Sandjnâ, jeune, belle et pieuse, devint donc la femme du dieu qui est surnommé Mârtânda : mais elle ne pouvait se faire à la forme de son époux, Âditya brûlant, qui, sortant de l’œuf du monde, avait le corps tout rouge de flammes, et fort peu attrayant. Cependant Gasyapa, ignorant l’effet de ces feux, heureux de revoir son fils, s’écriait avec amour : « Il n’est pas mort, mon poussin ! » C’est de ce mot que Vivaswân a été nommé Mârtânda[1]. Mais sa chaleur extrême et continuelle accablait les trois mondes. Ce dieu puissant eut de Sandjnâ trois enfants, une fille et deux fils, qui devinrent, ô fils de Courou, d’illustres patriarches : ce fut le Manou Vêvaswata d’abord ; puis deux jumeaux, le dieu qui préside aux Srâddhas, Yama, et sa sœur Yamounâ.

Sandjnâ, voyant les traits noirs et défigurés de son époux, ne put supporter plus longtemps la douleur qu’elle éprouvait. Elle forma une figure qui portait sa propre ressemblance et sa couleur (savarnâ). C’était précisément son ombre (tchhâyâ), devenue par un pouvoir magique une autre elle-même. Tchhâyâ, saluant Sandjnâ avec respect, lui parla en ces termes : « Ô la plus belle et la plus aimable des femmes, que dois-je faire ? Commandez, je suis prête à obéir à vos ordres. »

« C’est bien, lui dit Sandjnâ, écoute-moi. Je vais me retirer dans la demeure de mon père. Reste ici sans crainte à ma place : prends soin pour « moi de ces deux garçons, et de cette jeune et charmante fille. Et surtout sois discrète. » « Allez, déesse, lui répondit Tchhâyâ ; un jour peut-être, m’échappant du lieu où je suis confinée pour me diriger de votre côté, j’irai vous raconter toute l’aventure. Allez, et soyez heureuse. » Sandjnâ, après avoir donné toutes ses instructions à Tchhâyâ, qu’on appelle aujourd’hui Savarnâ, se rendit auprès de son père, confuse et cependant toujours vertueuse. Twachtri lui fit des reproches en la voyant. « Retourne auprès de ton mari, » lui dit-il plusieurs fois. Alors cachant sa forme sous celle

  1. Ce passage est fort concis, et j’ai été obligé de recourir à quelques conjectures. On donne au soleil l’épithète de अण्डस्थ, c’est-à-dire qui se tient dans l’œuf ; je suppose que cet œuf est celui qui représente le monde. J’ai donc ce mot par poussin. Œuf mort se dit mritânda ; d’aprés la règle déjà citée, sur la manière d’indiquer la filiation, la voyelle de la première syllabe est allongée ; ainsi Mârtânda signifie fils de Mritânda, c’est-à-dire, sorti de cet œuf que l’on avait cru mort.